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Libération
A Hongkong, une statue commémorant la répression de Tiananmen déboulonnée dans la nuit
Article mis en ligne le 24 décembre 2021

Le « Pilier de la honte », une statue rendant hommage aux victimes de la répression du 4 juin 1989, a été retirée de l’Université de Hongkong jeudi, après vingt-quatre ans de présence, supprimant un symbole des libertés dont jouissait la ville avant 2020.

Le vent mauvais venu de Chine continentale continue de souffler sur Hongkong. Nouvelle rafale cette nuit, avec le retrait d’une statue commémorant la répression de Tiananmen qui trônait dans la plus emblématique des universités du territoire. Le Pilier de la honte, une sculpture de 8 mètres de haut représentant un enchevêtrement de 50 corps déformés par la douleur, a été mis à l’abri des regards mercredi derrière des bâches et des barrières avant d’être déboulonné dans la nuit de ce jeudi matin.

Pour justifier sa décision, l’Université de Honkgong (HKU) cite des risques juridiques, sans préciser lesquels. « La décision concernant la vieille statue a été prise sur la base d’un avis juridique externe et d’une évaluation des risques pour le meilleur intérêt de l’université », déclare l’institution. Dans son communiqué, elle assure que personne n’avait obtenu l’autorisation formelle d’exposer cette statue et cite une ordonnance datant de l’époque coloniale pour justifier son retrait.

Mais il n’est pas besoin de remonter aussi loin pour comprendre ce qui motive ce retrait. Depuis qu’est entrée en vigueur la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin, après les manifestations pro-démocratie de 2019 à Hongkong, les groupes et les lieux commémorant la répression du 4 juin 1989 dans la capitale sont dans le viseur des autorités. Hongkong a longtemps été le seul endroit en Chine où la commémoration des événements de Tiananmen était tolérée. Chaque année, les étudiants de la HKU nettoyaient le Pilier de la honte, installé sur leur campus en 1997 pour honorer les victimes.

Réactions indignées

Le retrait de la statue a été décrié par des militants pro-démocratie exilés, toujours très suivis par leurs nombreux abonnés sur les réseaux sociaux. (...)

Parmi les autres réactions indignées, celle de Wang Dan, l’un des anciens dirigeants étudiants de Tiananmen, vivant aujourd’hui aux Etats-Unis, qui décrit sur Facebook « un acte méprisable pour tenter d’effacer ce chapitre de l’histoire maculé de sang ». (...)

Pendant trente ans, une veillée aux chandelles était aussi organisée à Hongkong pour l’anniversaire de Tiananmen, rassemblant des dizaines de milliers de personnes. Avec ses slogans pour la démocratie, ce rendez-vous était un symbole de la liberté d’expression dont jouissait l’ancienne colonie britannique. Mais les autorités ont interdit les deux dernières veillées, citant comme motifs la pandémie et des questions de sécurité. Les principaux organisateurs ont été arrêtés pour subversion et un musée sur le 4 juin 1989 a été fermé.

Alors que des ouvriers s’affairaient autour de la statue dans la nuit, l’auteur de l’œuvre, le Danois Jens Galschiot, a trouvé « étrange » et « choquant » que l’université s’en prenne à la sculpture, qui, selon lui, reste une propriété privée. L’artiste dit avoir tenté de contacter l’institution avec l’aide d’avocats et d’avoir offert de reprendre son œuvre. Il assure aussi que les responsables de HKU ne l’ont jamais prévenu du démantèlement. « Cette sculpture coûte vraiment cher. Donc s’ils la détruisent, alors bien sûr, on va les poursuivre, ajoute-t-il. Ce n’est pas juste.