
Ils sont plus de 160 000 à avoir fui les territoires irradiés par la catastrophe de Fukushima. Et ne disposent d’aucune aide financière pour recommencer leur vie ailleurs. Pour le gouvernement japonais, la priorité est au retour dans les zones contaminées. Gratuité des logements publics vacants, suivi sanitaire et allocation mensuelle réservés aux résidents, mesures de décontamination des sols... Tout est mis en œuvre pour générer un élan au retour. Sur place, des citoyens, chercheurs et juristes se mobilisent pour la reconnaissance légale du « droit au refuge » : le droit à vivre ailleurs, dans un environnement non contaminé.
C’est une promesse scandée par le gouvernement japonais depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima. Les 160 000 personnes évacuées de leurs maisons irradiées pourront, un jour, revenir chez elles. Mi-novembre, un rapport [1] rendu public est allé à l’encontre de la doctrine officielle. Les auteurs, des membres du Parti libéral-démocrate – qui détient la majorité absolue à la Chambre des représentants – exhortent le gouvernement à abandonner cette promesse de retour et à soutenir financièrement les déplacés pour qu’ils puissent vivre ailleurs. Mais pour le moment, aucune mesure concrète n’a été adoptée dans ce sens. En mai 2013, les autorités japonaises ont même décidé de rouvrir les zones interdites en relevant la norme de radioprotection de la préfecture de Fukushima de 1 à 20 millisieverts/an (mSv/ an) (lire notre article). Un taux équivalent au seuil maximal d’irradiation en France pour les travailleurs du nucléaire...
« Le gouvernement continue à inciter les populations à revenir vivre dans les zones contaminées, parfois à 10 km de la centrale, confirme Cécile Asanuma-Brice, chercheuse à la Maison franco-japonaise de Tokyo, institut de recherche sur le Japon contemporain [2]. Dans des villes comme celles de Tomioka, plus rien ne fonctionne, il n’y a plus d’économie locale, qui pourrait avoir envie de vivre là ? » Cette sociologue urbaine, qui vit au Japon depuis 12 ans, ne s’est jamais posée la question du nucléaire, jusqu’au 11 mars 2011. Alors que le tsunami contraint des dizaines de milliers d’habitants à migrer, elle se penche sur les politiques de relogement.
Des logements provisoires construits sur des zones contaminées (...)