Depuis février, des associations girondines se mobilisent contre l’usage des pesticides par l’industrie viticole. Elles interpellent ce mardi François Hollande, qui inaugure la nouvelle Cité du vin de Bordeaux. Les professionnels du vin de Bordeaux envisagent officiellement la fin des pesticides.
Avec ses rondeurs, sa tour et ses façades en verre, c’est un bâtiment qui ne passe pas inaperçu. Construit au bord de la Garonne, dans le quartier des Bassins à flot en cours de gentrification, la nouvelle Cité du vin de Bordeaux se veut un « site de loisir culturel unique au monde, où s’exprime l’âme du vin, à travers une approche immersive et sensorielle, au cœur d’une architecture évocatrice », explique son site web.
Un « parcours permanent » riche d’ateliers high tech, des expositions, des restaurants, une cave, une salle de dégustation, un auditorium : ce lieu a été pensé pour valoriser le patrimoine viticole bordelais et mondial, mais aussi pour servir l’économie et le tourisme locaux. 450.000 visiteurs sont attendus chaque année. (...)
Mais, à l’heure où le maire de la ville, Alain Juppé, François Hollande, et les invités officiels découvriront l’édifice et goûteront quelques bons crus, des militants antipesticides de Bordeaux et de Gironde compléteront le tableau. Ils ont prévu de s’allonger par terre, à l’extérieur, et de faire les morts, afin de rappeler que la viticulture conventionnelle tue, en raison de son utilisation massive de pesticides. « Nous n’avons rien contre la Cité du vin en tant que telle, nous voulons juste que ce ne soit pas le lieu de l’omerta », explique Romain Porcheron, des Amis de la Terre Gironde. Les militants veulent interpeller le président de la République sur le sujet, et « le pousser à prendre des mesures fortes pour leur interdiction ».
Un arrêté préfectoral pour renforcer l’encadrement des épandages de produits phytosanitaire
L’action du jour, initiée par les Amis de la Terre Gironde et les Jeunes Écologistes de Bordeaux-Aquitaine, est soutenue par Générations futures, Vigilance OGM 33, Valérie Murat, ainsi que le collectif Info Médoc pesticides, de Marie-Lys Bibeyran. Un ensemble informel, qui a commencé à se regrouper après la diffusion de l’enquête de Cash Investigation sur les pesticides début février dernier, lors d’une marche blanche contre les pesticides dans les rues de Bordeaux. « Il y a eu une prise de conscience : que je sois travailleur agricole, riverain ou consommateur, je suis concerné par cette question des pesticides », selon Romain Porcheron. (...)
Depuis, Marie-Lys Bibeyran a déposé au préfet de Gironde, Pierre Dartou, une pétition forte de plus de 80.000 signatures demandant le traitement en bio des parcelles à proximité des écoles. Puis, le 21 mai dernier, le cortège bordelais de la marche contre Monsanto s’est montré particulièrement fourni avec plus de 1.500 personnes. « À cette marche, il y avait des urbains et des ruraux, des bobos et des prolos. On voit que le sujet permet de relier tous ces gens », raconte Romain Porcheron.
Cette dynamique porterait-elle déjà ses fruits ? Le 22 avril, un arrêté préfectoral a été pris pour renforcer l’encadrement des épandages de produits phytosanitaires aux abords des écoles, crèches et autres lieux accueillant les publics les plus « sensibles ». Il encadre l’usage des pesticides dans des conditions très spécifiques : les épandages sont interdits à moins de 50, 20 ou 5 m, en fonction de la précision des techniques utilisées, pendant que les enfants sont dans les espaces de plein air, ainsi que 20 minutes avant et après leur sortie. (...)
« Clairement, le Bordelais est en retard. Pour une raison simple : c’est le leader en France et dans le monde, il s’est assis sur ses lauriers et a pris du retard. Il n’y a pas encore eu ce déclic : comprendre que changer est une nécessité pour la survie du vignoble », analyse Cyril Giraud.
Prochaine étape le 15 juin : un rassemblement sera organisé devant le TGI de Bordeaux à l’occasion de la première audience du procès intenté par Valérie Murat pour faire reconnaître son père comme victime de l’industrie chimique. La Fête du vin de Bordeaux, qui se déroulera ensuite du 23 au 26 juin, devrait être une nouvelle occasion de se faire entendre pour les militants.