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Basta !
70 heures de garde à vue : « On m’a demandé pourquoi je possédais un livre de recettes végan »
#Lafarge #urgenceclimatique #repression
Article mis en ligne le 21 avril 2024
dernière modification le 20 avril 2024

Dans l’enquête sur une action militante menée en décembre dernier sur le site d’une cimenterie Lafarge, 17 personnes ont été interpellées le 8 avril et ont subi trois jours de garde à vue. Huit ont été relâchées sans poursuites. Témoignages.

(...) Mathilde, Dimitri, Paul et Michel [1] ont tous vu les forces de l’ordre débarquer à leur domicile le 8 avril et ont été emmenés les yeux bandés et menottés en garde à vue, loin de chez eux, pendant trois jours.

Cette opération policière a eu lieu dans le cadre d’une enquête confiée à la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la direction nationale de la police judiciaire et à la direction territoriale de la police judiciaire de Rouen (Seine-Maritime) sur une action militante le 10 décembre 2023 sur le site d’une cimenterie Lafarge de l’Eure. Une centaine de personnes avaient pénétré sur le site pendant une dizaine de minutes avec de la peinture et de la mousse expansive (voir les photos de l’action). Cette action s’inscrivait dans le cadre d’une campagne d’actions « contre Lafarge et le monde du béton » initiée par plus de 200 organisations et des comités locaux des Soulèvements de la Terre.

Mathilde, Dimitri, Paul et Michel font partie des huit personnes relâchées, leur affaire est classée sans suite. Pour les neuf autres, dont cinq sont sous contrôle judiciaire, un procès aura lieu au tribunal correctionnel d’Évreux le 27 juin prochain. Les chefs d’inculpation sont graves : association de malfaiteurs, séquestration et dégradations, le tout étant aggravé par le fait d’agir en réunion.

« La BRI (brigade de recherche et d’intervention, ndlr) s’est trompée d’adresse et a défoncé la porte d’un appartement voisin vers 6 h du matin, un Airbnb vide… » se souvient Paul. « Aveuglé dans mon lit avec une lumière, ils ont lancé leur bouclier d’intervention sur moi et une voix de femme criait de me retourner. Une clef de bras, les menottes et un grand agent me demande alors de me lever, je m’exécute et il me colle une tarte pour me recoucher sur le lit. Il me demande alors de recommencer et je reprends un coup... puis il me traîne par les cheveux pour que je m’assoie. » (...)

Trois jours d’interrogatoires

Rythmant malgré tout les journées, les interrogatoires vont donc se succéder, allant de un par jour au double pour certains des gardés à vue. « En audition, on m’a demandé pourquoi je possédais un livre de recettes végan », s’interroge Dimitri, qui a passé 70 heures enfermé. « C’est quoi le message ? Attention, bientôt manger des légumes vous enverra en cellule ? » Les questions des policiers sont souvent les mêmes.

Les trois jours passés, vient alors le moment de la libération, avec à nouveau quelques surprises. (...)

« Toutes les personnes sorties avec un classement sans suite ont exercé leur droit au silence », fait savoir l’avocate Chloé Chalot, qui défendra aussi une personne au tribunal le 27 juin. « Cela signifie que les gardes à vue n’ont rien apporté et que les indices recueillis contre elles au moment de la garde à vue étaient très légers. Cela m’inquiète au vu de l’ampleur du dispositif déployé », ajoute l’avocate.

Pas de quoi ébranler le militantisme des personnes contactées par Basta !, qui ont toutes exprimé leur détermination. « Cette volonté de nous isoler a totalement échoué, car pendant que l’on croupissait en garde à vue, un grand élan de solidarité s’est créé avec un soutien psy, nos proches contactés et on a même gardé mes enfants ! » s’enthousiasme Mathilde. « Aujourd’hui, j’en ressors renforcée et je me suis fait de nouveaux amis. »