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Mediapart
50 ans du FN-RN : l’histoire secrète du Waffen-SS qui déposa les premiers statuts du parti
#FN-RN #dediabolisation #extrêmeDroite
Article mis en ligne le 6 octobre 2022

La création du Front national il y a cinquante ans vit Jean-Marie Le Pen et Pierre Bousquet apposer leurs signatures au bas d’un document préfectoral. Le second n’a pas connu la même postérité que le premier. Qui était-il vraiment ?

Pierre Bousquet naît en Alsace en 1919 d’une mère institutrice socialiste et d’un père militaire de carrière. Éduqué en alsacien par sa grand-mère jusqu’à l’âge de 5 ans, il peine ensuite à s’adapter au français. En 1935, il choisit de rejoindre le parti franciste de Marcel Bucard, mouvement inspiré du fascisme mussolinien.

Il s’y montre très apte à la violence. Quand le gouvernement du Front populaire dissout son organisation, le 18 juin 1936, il contribue à son activité clandestine puis à sa reconstitution. En 1939, il participe aux derniers feux de la guerre d’Espagne, puis est emprisonné en août pour avoir distribué à Orléans des tracts pacifistes refusant la guerre contre l’Allemagne. Pour sortir de prison, il s’engage dans l’armée française.

Le 31 août 1943, il intègre la Waffen-SS, dont il est promu officier en janvier 1944. Il combat sur divers fronts à travers l’Europe, des Vosges à la Poméranie. Démobilisé le 7 mai 1945, il se fait passer pour un travailleur déplacé auprès des forces américaines. En Autriche, il est intégré à l’administration du rapatriement des Français. Sur le point de se faire démasquer, il rentre à Paris… où il a été condamné à mort. (...)

Il participe à un réseau clandestin d’anciens nazis, le « Groupe Freddy », mené par Alfred Douroux (dit Freddy, ancien officier de la division Charlemagne, décorée de la croix de fer première classe à Berlin le 29 avril 1945, la veille du suicide d’Hitler). Ces hommes rêvent de continuer l’action, au point que même l’ancien Waffen-SS René Binet, qui les fréquente, les qualifie de « fous » et de « provocateurs ».

Ils prennent contact avec l’ambassade de Turquie, la crise des détroits leur faisant espérer une nouvelle guerre. En vain. Ils rêvent de noyauter les organisations anticommunistes pour diriger leur action. Mais une descente de police en septembre 1946 met au jour leurs caches d’armes. Bousquet se rend de lui-même à la police. Il est condamné à une lourde amende pour reconstitution de ligue dissoute, mais l’homme a de la chance : le juge est un vieil ami de son père. Sa condamnation à mort est commuée en trois années de prison.
Un nouvel engagement

Se contentant d’appartenir à l’Association internationale d’entraide des anciens de la Waffen-SS, Bousquet ne milite plus. Jusqu’à une manifestation antisoviétique en 1956, que les militants du groupuscule néofasciste Jeune Nation (JN) font dégénérer en prenant d’assaut le siège du quotidien communiste L’Humanité (trois morts, plusieurs centaines de blessés). Spontanément, Bousquet les rejoint alors dans l’action.

Il ne les lâchera plus et étoffe leurs rangs : il ramasse une cinquantaine de marginaux déclassés qu’il loge dans les locaux de JN et guide dans des raids anticommunistes. (...)

Unifier les nationalistes

Pierre Bousquet est fidèle à une ligne stratégique : il faut unifier les extrêmes droites sous la direction de leur flanc radical. C’est au nom de ce principe qu’il a participé à la direction de la campagne présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vigancour en 1965. Il prend aussi part en 1969 à de vaines réunions pour unifier des groupuscules néofascistes. En 1970, l’équipe de Militant se rapproche des Jeunesses patriotes et sociales de Roger Holeindre pour donner jour au Parti de l’unité française. (...)

Mais un autre projet de rassemblement unitaire apparaît : Ordre nouveau, le plus important groupe de l’extrême droite, annonce qu’il veut rassembler toutes les formations au sein d’un nouveau mouvement : le Front national.

En octobre 1972, l’alliance est faite. (...)

Le voici premier trésorier du parti, déposant les statuts avec Jean-Marie Le Pen. Militant est promu bulletin du FN.

Désaccords avec Le Pen

Avec son acolyte, Jean Castrillo, lui aussi ancien Waffen-SS, Bousquet constitue un tandem au service du FN. Outre Militant, ils s’occupent de rédiger les professions de foi des candidats du parti, et Bousquet est candidat FN aux élections législatives de 1973 et 1978, et aux municipales de 1977. Ils ne se sont pas convertis au lepénisme : à l’intérieur du parti, ils soutiennent François Duprat, le numéro deux et chef de file des radicaux.

Comme Jean-Marie Le Pen est réticent à la proposition de réorientation faite par Duprat pour faire passer le FN de l’anticommunisme au slogan « un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop », la formule est d’abord utilisée sur des tracts diffusés par l’équipe de Militant à l’occasion des municipales de 1977 avant d’être adoptée pour la campagne des législatives de 1978. (...)

Pierre Bousquet plaida jusqu’à sa mort pour une réhabilitation du nazisme et défendit la suprématie de la race blanche. Ce choix idéologique fut le sien toute sa vie durant, avant, pendant et après sa contribution à la création du Front national.

Lire aussi :

50 ans du Rassemblement national : ce que le parti veut vous faire oublier

Alors que le parti lepéniste choisit la discrétion pour fêter son anniversaire, Le HuffPost revient sur les (nombreuses) raisons qui incitent le RN à la sobriété. (...)

Pas de gâteau. Pas de bougies. Pas de grande cérémonie. Pas de Jean-Marie Le Pen non plus. À l’heure de célébrer son cinquantième anniversaire, le Rassemblement national, ex-Front national, a choisi la sobriété, en optant pour un colloque organisé à l’Assemblée nationale.

Une discrétion qui s’explique par le refus de ressusciter des fantômes du passé qui s’accorderaient mal de la « normalisation » tant recherchée par Marine Le Pen et ses troupes. Car en dépit d’une entrée en force au Palais Bourbon, le Rassemblement national n’est pas un parti comme les autres. Et c’est précisément la raison pour laquelle une célébration trop enthousiaste a été écartée.

Comment, effectivement, épouser les apparences d’un parti de gouvernement tout en évoquant des souvenirs sulfureux ? Une impasse que Le HuffPost propose justement d’explorer, en se penchant -dans la vidéo en tête d’article- sur ce passé embarrassant que le RN aimerait vous faire oublier.

Les origines du parti

Si le Rassemblement national n’est toujours pas considéré comme un parti comme les autres, c’est en raison notamment de ses origines. « Le Front National est un projet porté par le mouvement néofasciste Ordre Nouveau, fondé en 69 et dissous par l’État en 1973 », explique l’historien Nicolas Lebourg, qui rappelle que le projet adopté au congrès fondateur de 1972 était « porté par le nationaliste révolutionnaire François Duprat », figure éminente du FN de l’époque.

Dit autrement, le parti lepéniste s’est développé sur le terrain idéologique du néofascisme, comme en témoigne son logo, inspiré de la flamme tricolore arborée par le MSI italien (d’obédience nationaliste et postfasciste). De quoi effectivement comprendre la discrétion autour de cette date de naissance.

Les pires sorties de Jean-Marie Le Pen (...)

L’époque Alain Soral

Aujourd’hui auteur antisémite multicondamné, Alain Soral a exercé plusieurs années des responsabilités au sein du FN, où il était en charge des affaires sociales et de la thématique des banlieues. Au point que Marine Le Pen s’affiche en sa compagnie dans les rues lors de la campagne de 2007.

Au mois de novembre de cette année, il est nommé au comité central du parti par Jean-Marie Le Pen en personne. Lors d’une fête « Bleu Blanc Rouge » donnée par le FN un an auparavant, Marine Le Pen poussait la chansonnette avec l’essayiste, qu’elle qualifiait alors d’« immense écrivain ». À cette même période, Alain Soral monte le site « Égalité et Réconciliation », devenu depuis le navire amiral de la fachosphère et de l’antisémitisme en ligne. Pas idéal comme héritage pour un parti qui rêve de « normalisation ».

L’affaire des emplois fictifs

Au-delà de son ADN politique, le Rassemblement national traîne également des casseroles judiciaires. Le dossier le plus embarrassant est probablement celui des emplois fictifs, puisqu’il est toujours en cours. (...)

Au total, 6,8 millions d’euros sont concernés dans cette affaire pour laquelle Marine Le Pen est mise en examen pour « abus de bien public » et « détournements de fonds publics », ainsi que 17 responsables du parti d’extrême droite. Dans un rapport de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), les policiers décrivent « un système organisé frauduleux » et accablent la présidente du RN.

Les liens avec la Russie (...)

En cause, l’argent russe perçu, sous forme de prêt, à plusieurs reprises par le Front national présidé par Marine Le Pen.

En 2014, ce sont neuf millions d’euros qui ont été versés au FN, et 2 millions au micro-parti de Jean-Marie Le Pen. Au-delà de cet aspect financier, Marine Le Pen et le Front national ont toujours affiché une « loyauté » à l’égard de Moscou. Au Parlement européen par exemple, les eurodéputés RN votent systématiquement en faveur de la Russie. Dernier exemple en date avec le paquet d’aides à l’Ukraine voté le 15 septembre, auquel se sont opposés Jordan Bardella et ses comparses.
Les anciens combats du FN

Si aujourd’hui le RN joue la carte de la crédibilité et de la constance, le parti lepéniste a en réalité souvent adapté son discours aux tendances du moment. En 2017, il y a seulement cinq ans donc, Marine Le Pen jugeait essentiel le « retour à notre monnaie nationale », et préconisait même de sortir de l’Union européenne. Deux points qui ont disparu de son discours, tout comme le déremboursement de l’IVG, qu’elle prônait en 2012.

Des errements que le parti préfère donc mettre sous le tapis, quitte à s’abstenir de souffler la cinquantième bougie de son existence. Et si le RN jure qu’il n’est pas le FN, il suffit d’aller consulter ses statuts pour constater que l’héritage est bien présent. Et pour cause, l’article 1er commence par ces trois mots : « Fondé en 1972 ».