
Ce 11 septembre 1973 vit le gouvernement des Etats-Unis décider de renverser un gouvernement démocratiquement élu dans un pays étranger, remplacé par une dictature militaire implacable dirigée par le général Augusto Pinochet, qui incarne pour ma génération (celle qui avait 20 ans au moment de ces événements) la figure du salaud.
Ce 11 septembre là, il y a 40 ans cette année, s’est terminé par le suicide d’un homme, Salvador Allende, qui préféra la mort plutôt que de tomber entre les mains des soldats assiégeant le palais de La Moneda, à Santiago du Chili.
Dans un remarquable documentaire de Thomas Huchon, notre ancien blogueur à Santiago du Chili, diffusé lundi soir sur Public Sénat, « Allende, c’est une idée qu’on assassine », j’ai revu cette photo bouleversante du président chilien, casqué et une arme à la main, prise par Orlando Lagos juste devant la porte de La Moneda ce 11 septembre fatidique. (...)
Ce coup d’Etat appartenait à la catégorie de l’ingérence la plus crue, de l’impérialisme à l’état brut pour reprendre un vocabulaire tombé en désuétude. (...)
Le renversement d’Allende a été voulu par Richard Nixon et Henry Kissinger, le président des Etats-Unis et son conseiller à la sécurité (ce dernier est toujours vivant, jamais jugé, toujours consulté par les médias américains sur les affaires du monde...), au nom des intérêts stratégiques américains en Amérique latine.
La CIA fut à la manœuvre, et beaucoup d’argent fut déversé pour déstabiliser le gouvernement d’union populaire d’Allende, jusqu’au passage à l’acte du 11 septembre 1973. (...)
Ce coup d’Etat de 1973 est l’un des sept renversements de gouvernements étrangers dont les Etats-Unis sont officiellement coupables pendant la deuxième moitié du XXe siècle (et beaucoup plus officieusement). (...)
Deux décennies et quelques guerres plus tard, le monde des années 2010 ne ressemble ni à celui de l’époque du coup d’Etat au Chili, dominée par l’esprit de la guerre froide, ni à celui des années 90, où l’on croyait possible un nouvel ordre multipolaire, plus juste.
C’est celui d’une époque cynique et désabusée, où après deux ans de tuerie monstrueuse en Syrie, faisant plus de 100 000 morts, il n’existe aucune structure internationale pour y mettre fin. Pire, il n’y a aucune volonté d’y mettre fin. (...)
Il y a 40 ans, Salvador Allende comprenait parfaitement les forces qui s’étaient mises en mouvement pour l’abattre. Il connaissait la règle d’un jeu qu’il avait perdu. Quatre décennies plus tard, il n’est pas sûr que nous ayons fait beaucoup de progrès : le monde cherche encore comment s’autoréguler sans pour autant permettre simplement à l’ingérence de changer de visage.