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laurent Mucchielli

Prévention spécialisée : et si les élus lui fichaient la paix ?

mercredi 2 mars 2016

C’est un grand classique : lorsque dans une société l’austérité règne et l’insécurité est promue au rang de problème majeur, de lourdes menaces pèsent sur ce qui est considéré comme trop lent, trop peu visible et apparemment éloigné de l’efficacité. Depuis les attentats de janvier et surtout de novembre 2015, la pusillanimité réflexive est condamnée au nom de l’action urgente. Bien que celle-ci, passé un certain délai, se réduise souvent à des mesures loufoques et inquiétantes, l’urgence est pourtant érigée en une doctrine d’action qui lamine toutes les autres. Grand nombre de professionnels œuvrant dans le champ de la protection de l’enfance en font aujourd’hui l’amère expérience et parmi eux, les éducateurs de prévention spécialisée.

Il y a environ un an, on reprenait sur ce site le communiqué d’alerte du CNLAPS (Comité national de liaison des acteurs de la prévention spécialisée), qui informait sur les menaces pesant sur des équipes de prévention spécialisée (et plus largement sur l’action éducative à destination de publics en situation d’inadaptation sociale) dans certains départements. Mais depuis et sauf exceptions, la situation n’a cessé de se dégrader. Après les Alpes-Maritimes, la Seine-Maritime et le Maine-et-Loire entre 2011 et 2013, ce fut le tour du Loiret et de l’Yonne en 2014, puis celui du Finistère et du Gard en 2015, puis très récemment celui des Pyrénées-Atlantiques, de la Drôme, des Yvelines ou de la Haute-Garonne (voir ici). Et sans doute en oublions-nous.

Les pressions ne sont pas seulement d’ordre budgétaire. Certes, la baisse drastique des financements de la prévention spécialisée est une réalité dans ces départements et pour certaines équipes elle n’est pas autre chose que le premier terme d’une mort probable. Mais la menace peut aussi prendre la forme de l’imposition de critères d’action qui limitent et même trahissent les pratiques éprouvées de l’accompagnement éducatif. (...)

Chaque fois qu’un éducateur repère un signe de mal-être chez un jeune et y répond, chaque fois qu’il évite un désistement scolaire, une fugue, une grave mésentente familiale, un acte délinquant, un comportement déviant, une violence contre soi, une forme d’errance ou bien qu’il évite leur multiplication, l’éducateur pose des obstacles sur les chemins qui mènent vers la marginalisation. Comment dès lors persiste-t-on à ne pas vouloir admettre que l’investissement socio-éducatif d’aujourd’hui est une contribution aux régulations sociales de demain ? Souvent modestes, les éducateurs de prévention ne demandent pas grand-chose. A maxima de la reconnaissance et la transformation d’un métier aujourd’hui « facultatif » en une véritable mission de service public. A minima, que l’on cesse les coupes dans leurs budgets, que l’on arrête les injonctions qui les éloignent de leurs publics ou qui enserrent leurs pratiques dans de mesquins filets. En bref, ils demandent principalement qu’on les laisse faire leur métier !


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