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Reporterre
Avec la pollution de l’air, asthme et allergies chez les enfants « sont de plus en plus précoces »
samedi 6 avril 2019
Les enfants sont particulièrement vulnérables à la pollution de l’air. C’est ce que rappelle un rapport de l’Unicef publié le 4 avril. Quelles sont les conséquences précises pour les enfants ? Reporterre a interrogé la professeure Jocelyne Just, qui, dans son service de l’hôpital Trousseau, à Paris, voit passer des cas de plus en plus graves, liés à la pollution de l’air.
En France, plus de trois quarts des enfants respirent un air pollué. Ce chiffre est rappelé dans un rapport publié jeudi 4 avril et intitulé « Pour chaque enfant, un air pur ». L’Unicef France s’est associée pour ce rapport avec le Réseau Action Climat, l’association Respire, et le WWF France.
Alors que les voitures sont responsables en ville de 63 % des émissions de dioxyde d’azote, ces organisations appellent à prendre des mesures contre cette pollution dans le projet de loi d’orientation des mobilités. Elles sont déçues par la mouture du texte sorti des discussions au Sénat, et espèrent un rattrapage à l’Assemblée nationale. Elles demandent ainsi aux députés de voter pour la mise en place de zones à faibles émissions autour des crèches, des écoles et des hôpitaux ou de rendre obligatoire pour les employeurs le défraiement des trajets domicile-travail effectués en vélo et autres mobilités douces.
« Les institutions ne prennent pas en compte le fait que les enfants sont les plus fragiles face à la pollution de l’air », regrette Jodie Soret, autrice du rapport et chargée des relations avec les pouvoirs publics à l’Unicef. (...)
Ce qui a d’abord été montré, c’est la corrélation entre les pics de pollution et l’asthme, la venue aux urgences, les hospitalisations, la consommation de médicaments antiasthmatiques. Puis, on s’est aperçu que l’exposition à la pollution chronique en dehors des pics pouvait provoquer des maladies. Certains nouveaux cas d’asthme peuvent être imputables à la pollution, ainsi que des allergies alimentaires ou cutanées. Le développement des poumons peut aussi être réduit. Enfin, plus récemment, un lien a été établi avec l’obésité et des maladies neurologiques comme l’autisme chez l’enfant. C’est un sujet en cours d’exploration.
Dans votre service, les enfants sont-ils plus malades qu’avant ?
L’asthme est devenu plus sévère et plus précoce. Antérieurement, on arrivait assez facilement à contrôler l’asthme chez un nourrisson. Désormais, on doit prescrire de plus en plus de médicaments.
De plus, les allergies sont devenues de plus en plus fréquentes, notamment les allergies alimentaires et cutanées, et là aussi de façon plus précoce. Des choses que l’on constatait à l’adolescence ou à l’âge scolaire, on les voit maintenant chez des jeunes enfants qui deviennent polyallergiques à des aliments, avec des allergies cutanées et respiratoires.
Cette sévérité et cette précocité ne sont probablement pas liées uniquement à la pollution, et plus largement à notre mode de vie occidental. Mais la pollution de l’air a clairement une action sur l’immunité et explique en partie ces maladies. (...)
Une augmentation de la fréquence des maladies respiratoires a été observée entre les années 1980 et 2000. Celle des allergies alimentaires a été observée entre les années 2000 et maintenant. L’OMS [Organisation mondiale de la santé] dit que si l’on ne fait rien pour changer notre environnement, notamment la pollution mais aussi tout ce qui va avec, 50 % de la population sera allergique en 2050. (...)
il est probable que les expositions chroniques dans l’enfance qui vont altérer le développement pulmonaire, modifier l’immunité, accélérer l’inflammation vont faire que les maladies chroniques vont survenir plus tôt dans la vie. Il faut comprendre que les malades chroniques, ce sont des handicapés qui ont une expérience de vie diminuée. On parle souvent des morts de la pollution de l’air, moins d’eux. (...)
Il y a des traitements de plus en plus importants, et dans les cas extrêmement graves, on est obligés d’envoyer les enfants en cure climatique à l’année parce qu’ils ne peuvent pas respirer en région parisienne, c’est impossible même avec des traitements très lourds. Mais ce n’est pas rien de séparer un enfant de sa famille. (...)
Certaines familles doivent-elles envisager de déménager ?
Mais déménager où ? Dans toutes les villes, Marseille, Grenoble, Lyon, c’est pollué. À la campagne, il y a des pollutions agricoles. Le seul air pur et sain est dans les Alpes ou dans les Pyrénées à 1.500 mètres d’altitude. Mais, dans ces régions, il n’y a pas de boulot… Donc, on ne demande pas aux gens de déménager parce qu’on sait qu’on les met devant des impossibilités.
Que peut-on faire alors ?
Il faut laisser nos voitures, ne pas les utiliser pour déposer les enfants à l’école, ne pas mettre les enfants dans les voitures fermées parce que la pollution s’y concentre, ne pas leur faire faire d’activités sportives en extérieur lors des pics de pollution. Et puis, il faut militer pour que les décideurs aient une politique de la ville visant à diminuer la pollution automobile et qu’ils interdisent le diesel. Il y a des choses à faire, d’autres villes l’ont fait comme Tokyo ou en Californie, et ont vu la santé respiratoire s’améliorer.
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