Vendredi 31 octobre, la maternité des Lilas (Seine-Saint-Denis) a définitivement fermé ses portes. Historiquement engagé aux côtés des femmes et des minorités de genre, l’établissement a fait les frais de quinze ans de gestion chaotique et d’atermoiements politiques.
En cette soirée d’Halloween, les « sorcières », comme aiment à se faire appeler les soignantes de la maternité des Lilas, près de Paris, n’avaient pas le cœur à la fête.
Après avoir laissé sortir, au milieu d’une haie d’honneur, leur dernière patiente, elles ont vu les portes de l’établissement se fermer définitivement derrière elles. Comme annoncé en juillet 2025, l’agence régionale de santé (ARS) Île-de-France ne financera plus cette maternité. Elle invoque trois raisons : une prise en charge insuffisamment sécurisée pour les patientes (qui a valu à la maternité le retrait de sa certification en janvier 2025 par la Haute Autorité de santé), une fréquentation en chute libre (1 200 naissances en 2020 contre 700 en 2024) et la menace d’une cessation de paiements. Trois difficultés dont l’ARS est pourtant en partie responsable.
Inaugurée en 1964, la maternité des Lilas pratiquait des avortements avant même leur dépénalisation et n’a jamais cessé d’offrir aux personnes enceintes le choix d’un accouchement pas ou peu médicalisé, laissant toute sa place au conjoint·e. Bien plus tard, à partir de 2019, elle a également été pionnière en France dans le suivi des grossesses d’hommes trans. Ce projet d’accompagnement, au plus près des besoins individuels, requiert des équipes étoffées, spécifiquement formées et donc des moyens financiers que la Sécurité sociale ne prend pas en charge. L’établissement ayant fait le choix de ne pas répercuter les coûts sur les usager·es, c’est l’État qui, jusqu’ici, absorbait son déficit. « C’est vraiment parce qu’elle portait un projet politique à part entière et grâce aux mobilisations [des salariées, des féministes et des syndicats] qu’elle a tenu jusqu’à aujourd’hui, analyse la sociologue Elsa Boulet. Depuis le milieu des années 1990, les plans de périnatalité incitent à concentrer les accouchements dans des structures disposant de davantage de matériel technique et de personnel – notamment des médecins anesthésistes – disponible en permanence. » (Lire notre encadré en bas de page.)
Une promesse trahie
Dans les années 2000, comme d’autres maternités, celle des Lilas est sommée de s’adapter pour assurer sa pérennité. En 2008, un projet de reconstruction et d’agrandissement visant à la rendre rentable, est adopté par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot : le terrain est choisi et les plans validés. Mais, coup de théâtre : en 2011, Claude Évin, alors président de l’ARS, prenant pour prétexte un conflit en cours entre un anesthésiste et des sages-femmes de l’établissement, suspend brusquement le projet. Malgré une mobilisation des salarié·es et des usager·es, soutenue par de nombreuses personnalités du monde du spectacle (Catherine Ringer, Arthur H, Karin Viard), le projet de reconstruction est définitivement enterré en 2013, en dépit de la promesse de soutien faite par le candidat François Hollande pendant la campagne présidentielle.
« On a laissé pourrir le fruit afin qu’il tombe tout seul »
Marie-Laure Brival, ancienne directrice de la maternité des Lilas (...)
Au-delà de la disparition d’un accueil depuis toujours axé sur le droit des personnes à disposer de leur corps, la fermeture de la maternité des Lilas marque une défaite symbolique pour le féminisme, à l’heure où l’extrême droite, aux portes de l’exécutif, entend priver les femmes et les personnes trans de leurs droits à l’avortement et à une parentalité choisie.