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Mediapart
Les attaques racistes imprègnent la campagne des législatives comme jamais
#electionslegislatives #RN #extremedroite #racisme
Article mis en ligne le 29 juin 2024

Qu’ils soient candidats, militants, élus ou anciens ministres, ils constatent un déferlement de haine décuplé par la montée de l’extrême droite en France, jusqu’à Najat Vallaud-Belkacem, dont la binationalité a été pointée du doigt par le député sortant RN Roger Chudeau sur BFMTV jeudi.

« Je pense que c’était une erreur, et que ce n’était pas une bonne chose pour la République. » Ce sont les mots du député sortant du Rassemblement national (RN) Roger Chudeau, tenus sur le plateau de BFMTV jeudi 27 juin. Il y faisait référence à l’ancienne ministre de l’éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, et à sa double nationalité, qui aurait dû, selon lui, l’empêcher d’arriver à de telles responsabilités. « Les postes ministériels doivent être détenus par des Franco-Français, point final. » Et d’ajouter : « Il y a un problème de double loyauté, à un moment donné. »

Ces déclarations s’inscrivent dans un contexte bien particulier : celui des élections législatives prévues les 30 juin et 7 juillet, fortement marquées par la montée du RN et de ses idées mortifères, et par des violences physiques et verbales que subissent de plus en plus de personnes racisées, y compris parmi les candidat·es, militant·es, élu·es ou ancien·nes ministres. « Ce qui me surprend, c’est la surprise des observateurs », tacle Najat Vallaud-Belkacem, soulignant que le signe distinctif de cette formation politique – le RN – n’est autre que le racisme. (...)

« Ce n’est que cela. Le reste, les cravates, le programme social, les belles paroles, c’est de l’habillage. Que les gens soient surpris montre à quel point on a réussi à se faire manipuler collectivement, au point d’oublier quel est l’ADN de ce parti », pointe celle qui est aujourd’hui présidente de l’association France terre d’asile. Rien de nouveau, estime-t-elle donc, davantage outrée par la légitimité désormais donnée à un parti d’extrême droite. Qu’on lui reproche – encore – sa binationalité ? « Je suis exposée à ce type d’accusation depuis des années. »

Et d’ajouter : « Je vis en France depuis quarante-deux ans, j’ai été adoptée par ce pays et j’en ai embrassé les valeurs. Malgré cela, on me renvoie à mon origine, et à travers moi les millions de Français qui sont binationaux ou ont un parent immigré. »

Des centaines de messages racistes

« On ne sera jamais assez français à leur goût. La chasse à ceux qui ne leur ressemblent pas est ouverte, on est dans l’assignation identitaire la plus totale », déplore-t-elle, constatant que les partisans du RN ne s’en prennent pas seulement aux étrangers et étrangères en situation irrégulière ou dit·es délinquant·es, mais aussi à celles et ceux qui « réussissent » et « s’intègrent ». « Ça, ils ne le supportent pas. » (...)

À cela s’ajoutent des insultes sexistes et des amalgames autour du terrorisme. « Maintenant, c’est Arabe = musulman = terroriste. Quand on sait que ma famille a fui les années noires en Algérie, c’est dur d’être assimilée à ça » (...)

Pour se préserver et poursuivre le combat, Aly Diouara, candidat NFP en Seine-Saint-Denis également, tente de ne pas s’attarder sur les messages haineux qui lui parviennent. En tout cas pas dans leur intégralité. (...)

« Mais quand je vois le chauffeur de bus agressé puis renversé dans le Val-de-Marne, on se demande comment on en est arrivés à un tel niveau de violence et de racisme assumé. » (...)

À Belfort, le militant Karim Merimèche a vécu ces violences sur le terrain, alors qu’il tractait pour le candidat sortant La France insoumise (LFI) Florian Chauche le 17 juin, comme le rapporte France Bleu. « On s’est retrouvés sur un parking à la Roseraie, raconte-t-il à Mediapart. J’ai tendu un tract à deux hommes se trouvant dans une voiture, qu’ils ont refusé de prendre. »

Ces derniers expliquent au militant qu’ils votent « Front national, euh, Rassemblement national ». La suppléante du candidat, Mathilde Regnaud, aurait alors demandé s’ils avaient conscience de « voter pour un parti raciste ». « Ils ont répondu qu’ils n’étaient pas racistes et que le parti ne l’était pas non plus », poursuit Karim Merimèche.

Mais après avoir digressé sur l’élection de Mitterrand, « ils [lui] demandent où [il] étai[t] à ce moment-là ». « J’ai compris où ils voulaient en venir, alors j’ai précisé que j’étais né en France. » Il ne s’attendait pas à un tel déferlement.

« L’un des hommes m’a dit : “Rentre dans ton pays, sale bougnoule, dégage, rentre chez toi.” J’étais choqué, je n’ai rien dit et je me suis éloigné. Mais il a continué, en me traitant encore de “sale bougnoule de merde” et en disant à Mathilde d’aller “se faire sauter par les bougnoules”. »

Deux témoins de la scène parviennent à identifier l’homme, à bord d’un véhicule de fonction de la société Optymo, chargée des transports en commun dans le Territoire de Belfort.

Karim Merimèche a porté plainte le lendemain, mardi 18 juin, pour injures à caractère racial. Il ne comprend pas comment « on a pu en arriver là aujourd’hui », condamnant l’idéologie raciste, xénophobe, sexiste et liberticide de l’extrême droite. « Je l’ai très mal vécu, j’en ai fait des nuits blanches. Être renvoyé à son origine et sa couleur de peau après tout ce qu’il s’est passé dans l’histoire est incompréhensible. » (...)

« J’ai oublié de dire ma tristesse face à tout cela », conclut avec amertume Najat Vallaud-Belkacem, qui ne croit pas aux démentis de Marine Le Pen quant aux attaques de Roger Chudeau mais se raccroche aux nombreuses expressions de soutien reçues depuis jeudi.

Pour l’ancienne ministre, la question qui se pose désormais est la suivante : veut-on exclure un Français sur cinq, sachant que 13 millions de personnes sont immigrées ou ont au moins un parent immigré, selon l’Insee ? « Il faut élever notre seuil d’intolérance collective face au racisme, comme on a pu le faire face au sexisme. »