
Qui se cache derrière « l’observatoire Hexagone » ? Analyse.
Pour la présidentielle de 2027, selon un sondage, Jordan Bardella serait en tête dans tous les scénarios, et la gauche systématiquement éliminée dès le 1er tour. Cette « information » est reprise en chœur par quasiment tous les médias le 5 mai. Les élections présidentielles seraient jouées d’avance, le RN aurait déjà gagné. Ainsi, la France Insoumise, premier parti de gauche, se serait effondrée, passant de 22% en 2022 à 10%. Le RN lui, aurait bondi de 12 points depuis la dernière présidentielle.
Ce sondage crédite le RN de 35 % des voix, « avec parfois jusqu’à 17 points d’avance » sur tous ses concurrents, « ce qui offre au RN une avance considérable dès le premier tour ». Et dans cette hypothèse, le RN gagne la présidentielle dans tous les scénarios, « sauf peut-être face à Édouard Philippe ». La ficelle est un peu grosse. Ce sondage nous dit : résignez-vous, deux ans avant les élections, elles sont déjà gagnées par l’extrême droite. Rappelez-vous l’été dernier, après la dissolution de l’Assemblée : la totalité du champ médiatique et des sondeurs nous annonçaient déjà avec certitude une majorité absolue pour le RN. Vous connaissez la suite.
Ce sondage a été réalisé par un « observatoire » nommé Hexagone, qui l’a commandé à l’institut Ifop. Les trois hommes à la tête d’Hexagone sont présentés sur le site internet du groupe : François Pierrard, ancien « consultant chez Mc Kinsey », le cabinet de conseil privé qui a capté des millions d’euros par le clan Macron. Robin Nitot, le directeur de communication, un « essayiste » passé par le Figaro. Et enfin Paul Cébille, un ancien de l’IFOP et du Ministère de l’Éducation Nationale. Un trio à la fois néolibéral et réactionnaire, dans l’air du temps. Mais rien de bien sérieux.
D’ailleurs, Hexagone, qu’est-ce que c’est ? Cet « observatoire » a été créé il y a seulement quelques mois par le milliardaire néofasciste et exilé fiscal Pierre-Édouard Stérin. Un homme dont l’objectif affiché est de faire gagner l’extrême droite en France. Il a pour cela débloqué 150 millions d’euros, notamment pour former des candidats afin de conquérir un maximum de mairies l’année prochaine. (...)
Hexagone est donc un lobby qui se présente comme neutre, mais dont l’objectif est de manipuler l’opinion au service de l’extrême droite. (...)
Déjà le 30 mars, le Journal du Dimanche et Europe 1, tous deux propriétés de Bolloré, mettaient en avant une enquête de l’institut de sondage Ifop créditant Marine Le Pen « à un niveau très élevé, avec des scores à la présidentielle qui rappellent ceux de Mitterrand, qui avait fait 34,5% ».
En fait, quand on regarde les résultats des sondages sur le temps long, ils montrent une manipulation délibérée et systématique des chiffres pour faire monter l’extrême droite tout en désavantageant la gauche. Avant la présidentielle de 2017, Le Pen était donnée jusqu’à 29% par l’IFOP, elle a fini 8 points en dessous dans les urnes ! Avant l’élection de 2022, elle était mesurée à 28%, elle a fini à 22.
À l’inverse, le vote Mélenchon est massivement sous évalué. Mesuré à 12% en 2017, il avait fini à presque 20% dans la réalité, frôlant le second tour. Même chose en 2022 : mesuré à moins de 10%, il réalisait 22% des voix. Aucun autre candidat n’est à ce point diminué par les sondeurs : plus de 10 points d’écart, un score réel divisé par deux par les sondeurs.
Une simple erreur ? Non, ces sondages ont un impact énorme sur les résultats réels. En 2017 comme en 2022, beaucoup d’électeurs de gauche n’ont pas voté Mélenchon en se disant que, « de toute façon, il n’a aucune chance d’atteindre le second tour », en se basant sur les sondages. (...)
C’est un effet performatif : plus ont répète que RN est haut, plus on le fait monter. Cela se répercute aussi au sommet de l’État : puisque le RN est si haut, il faut appliquer son programme, il faut « écouter ses électeurs ». En revanche, vous remarquerez qu’on n’entend jamais qu’il faut « écouter » et « respecter » des millions d’électeurs et électrices de la France Insoumise, qui sont quotidiennement diffamés. Après tout, les sondages ne donnent que 10% d’intention de vote à ce parti.
Le chef de l’Ifop se nomme donc Frédéric Dabi, c’est un ardent soutien d’Israël, et un ennemi juré de la gauche. Il est omniprésent dans les médias. En 2022, le journal L’Opinion racontait qu’il allait « mettre le nez dans les enquêtes d’opinion, dont il assure lui-même le redressement, une méthode consistant à modifier les résultats bruts du sondage pour mieux prendre en compte tous les critères ».
« Redressement », « modification »… Les chiffres sont donc délibérément truqués, et tout le monde le sait. (...)
Depuis au moins 2019, l’Ifop publie systématiquement des sondages mettant en scène un second tour entre Le Pen et Macron à la présidentielle, sans jamais envisager la présence d’un autre candidat en finale des élections. C’est une façon de conditionner l’opinion au fait qu’il n’y a qu’un seul choix, et aucune alternative à ce duel cauchemardesque. L’Ifop est bien un institut de sondage militant, au service du pouvoir, qui mise désormais sur un gouvernement néofasciste.