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À 73 ans, Michel Barnier (LR) nommé Premier ministre
#electionslegislatives #NFP #Macron #LR #Barnier
Article mis en ligne le 5 septembre 2024

Après des semaines de paralysie politique, le président Emmanuel Macron a nommé Premier ministre Michel Barnier, membre des Républicains.

Il aura fallu 60 jours à Emmanuel Macron pour nommer un nouveau Premier ministre. Alors que la coalition de partis de gauche, le Nouveau Front populaire, est arrivée en tête des élections législatives le 7 juillet, le président de la République a finalement décidé, le 5 septembre, de placer à Matignon un membre du parti Les Républicains (LR) : Michel Barnier. Et ce, alors que ce parti est arrivé en quatrième position du scrutin, avec seulement 47 sièges (sur 577) à l’Assemblée nationale. (...)

Un ancien ministre de l’Environnement sous Mitterrand

L’homme de 73 ans est une figure des Républicains. Il a été député de 1978 à 1993, sénateur de 1997 à 1999 et député européen de 2009 à 2010. Il a également été plusieurs fois ministre (...)

Il a été négociateur de l’Union européenne lors du Brexit (le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne).

« De qui se moque-t-on ? C’est un vrai scandale », a réagi Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, dans une vidéo postée sur le réseau social X, affirmant que le chef de l’État refusait de reconnaître le résultat des élections législatives. « Ce déni de démocratie est insupportable. Nous censurerons ce gouvernement », a également prévenu Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, dans un tweet.

Lire aussi :

 (Environnement magazine)
Michel Barnier, quel bilan en matière d’écologie pour le nouveau Premier ministre ?

ministre de l’Environnement sous François Mitterand. Il fait voter en 1995, une loi devenue structurante en matière d’écologie, la loi Barnier, « relative au renforcement de la protection de l’environnement ». La loi a notamment permis la création de la « commission nationale du débat public », chargée d’organiser la participation du public aux décisions relatives aux grands projets d’aménagement ayant un impact sur l’aménagement du territoire et l’environnement. La loi Barnier est également à l’origine des « plans de prévention des risques naturels prévisibles » et du « fonds Barnier », destiné à financer les indemnités d’expropriation de biens exposés à un risque naturel important.

Le texte a également introduit le principe de précaution, visant à prendre des mesures préventives pour éviter les risques pour l’environnement. Le concept a ensuite été élargi à la santé et à la sécurité des aliments, notamment suite à la crise de la vache folle dans les années 90.

Un plan ambitieux de réduction des pesticides

Michel Barnier devient ministre de l’Agriculture et de la Pêche sous Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2009.

Il lance l’objectif de réduction de 50 % de la quantité de pesticides, dans le cadre du plan Ecophyto. « Nous devons admettre que Michel Barnier, en tant que ministre de l’Agriculture, a su résister aux pressions, notamment celles de la FNSEA, durant les négociations du Grenelle sur les pesticides. Il a maintenu les objectifs de réduction des pesticides du Plan Ecophyto et son indicateur de référence, le NODU », a réagi l’association Générations Futures quelques heures après la nomination du nouveau Premier ministre. (...)

Michel Barnier a également proposé en 2007 un plan de relance de l’agriculture biologique ou encore le plan de performance énergétique des exploitations agricoles, visant à réduire la facture énergétique des exploitations. « À cette époque, il avait également ouvert son ministère aux associations environnementales, rompant ainsi avec la seule cogestion traditionnelle entre l’État et les syndicats agricoles dominants », ajoute Générations Futures, qui appelle Michel Barnier à réexaminer « les décisions de son prédécesseur Gabriel Attal », qui a « cédé sans concertation aux lobbies agrochimiques ». Les Jeunes Agriculteurs et la FNSEA ont adressé dans un communiqué leurs félicitations au nouveau Premier ministre, et l’ont appelé « à placer l’agriculture dans les priorités immédiates ».

Une nomination décriée par la gauche et les écologistes

La nomination de Michel Barnier est largement critiquée dans les rangs de la gauche et des écologistes. Jean-Luc Mélenchon accuse notamment Emmanuel Macron de « nie[r] officiellement le résultat des élections législatives ».

Si Greenpeace note « un intérêt sincère de Michel Barnier pour les problématiques environnementales et un bilan concret sur ces sujets (création de la commission nationale du débat public, loi Barnier inscrivant le principe du pollueur payeur dans la loi ainsi que la mise en place du fonds d’aides aux collectivités pour faire face aux catastrophes naturelles) », l’ONG « doute de sa capacité à répondre concrètement et rapidement aux impératifs dictés par la crise écologique actuelle ». Selon l’association, la nomination « s’inscrit dans la continuité d’une politique ultra-libérale », « incompatible avec les enjeux de transformation radicale de notre système économique ». Le Réseau Action Climat craint également que Michel Barnier « ne fasse pas de la transition écologique une priorité ». (...)

En 2021, il avait comparé sur Europe 1 Eric Zemmour aux militantes écologistes et féministes Greta Thunberg et Sandrine Rousseau, les accusant d’être « toujours en train d’exploiter la peur des gens ».

Quoi qu’il en soit, les amputations annoncées par le gouvernement démissionnaire dans les budgets de la transition écologique (Fonds Vert, rénovation énergétique, électrification des véhicules, biodiversité…) dans le cadre du projet de loi finance 2025, laisse présager des reculs importants en matière d’écologie et d’adaptation au réchauffement climatique.

 (Mediapart)
Lucie Castets : « Michel Barnier, c’est la poursuite de la politique de Macron, voire pire »

La candidate à la primature du Nouveau Front populaire réagit à la nomination du premier ministre de droite. L’ancienne directrice des finances de la ville de Paris détaille comment elle va incarner l’alternative de gauche et espère consolider l’alliance. (...)

Alors qu’Emmanuel Macron vient de nommer Michel Barnier à Matignon, Lucie Castets explique pourquoi le Nouveau Front populaire (NFP) s’apprête à le censurer. L’ancienne directrice des finances de la ville de Paris, dont le nom a été proposé par la coalition de gauche et écologiste le 23 juillet, a mis un terme à ses fonctions pour se consacrer pleinement à son rôle de candidate à la primature.

Elle annonce à Mediapart qu’elle ne sera pas dans une « position d’attente » dans les prochains mois : « Il faut parler aux Français. Je quitte mes fonctions à la mairie de Paris, je vais essayer de prolonger l’élan », déclare-t-elle, anticipant le fait que le NFP pourrait être appelé à gouverner « après la censure ou en 2027 ». (...)

Mediapart : Emmanuel Macron vient de nommer Michel Barnier à Matignon, un ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, membre du parti Les Républicains (LR), qui a fait environ 6 % des voix aux législatives. Comment réagissez-vous ?

Lucie Castets : C’est une décision qui va à rebours de la logique de nos institutions. Il est très problématique qu’Emmanuel Macron ait pris autant de temps pour arriver à cet aboutissement, qui s’explique très difficilement au regard du résultat des législatives. Je ne vois pas comment nos concitoyens le comprendraient davantage que moi.

Emmanuel Macron a semblé laisser le Rassemblement national (RN) jouer un rôle d’arbitre. C’est très délétère, alors que les Français ont dit vouloir tourner le dos à l’extrême droite et à son programme aux législatives anticipées.

Je ne vois pas dans quelle mesure Michel Barnier pourrait mettre en place des améliorations significatives de la vie des Français dans une telle configuration.Mediapart : Emmanuel Macron vient de nommer Michel Barnier à Matignon, un ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, membre du parti Les Républicains (LR), qui a fait environ 6 % des voix aux législatives. Comment réagissez-vous ?

Lucie Castets : C’est une décision qui va à rebours de la logique de nos institutions. Il est très problématique qu’Emmanuel Macron ait pris autant de temps pour arriver à cet aboutissement, qui s’explique très difficilement au regard du résultat des législatives. Je ne vois pas comment nos concitoyens le comprendraient davantage que moi.

Emmanuel Macron a semblé laisser le Rassemblement national (RN) jouer un rôle d’arbitre. C’est très délétère, alors que les Français ont dit vouloir tourner le dos à l’extrême droite et à son programme aux législatives anticipées.

Je ne vois pas dans quelle mesure Michel Barnier pourrait mettre en place des améliorations significatives de la vie des Français dans une telle configuration. (...)

Le message démocratique envoyé est très mauvais. (...)

Nous allons réagir tous ensemble, mais tout indique que sa politique sera la poursuite de celle d’Emmanuel Macron. Voire pire : qu’il a fait des concessions a priori vis-à-vis du RN.

Ne regrettez-vous pas l’hypothèse Bernard Cazeneuve ?

La question n’est pas celle du nom, mais celle du programme et des marges de manœuvre d’un premier ministre pour s’écarter des politiques menées par Emmanuel Macron depuis sept ans, et a fortiori de ce que propose le RN. En l’occurrence, les ingrédients sont réunis pour que la politique du président soit poursuivie, voire qu’elle s’approprie davantage les grands marqueurs du RN.

Michel Barnier a voté contre la dépénalisation de l’homosexualité en 1981. Pour vous qui êtes ciblée pour votre orientation sexuelle depuis que vous l’avez révélée, est-ce un choc ? Un symptôme de la droitisation d’Emmanuel Macron ?

Je ne sais pas si nous avions besoin d’un nouveau symptôme de sa droitisation. J’y vois un signal négatif pour toutes les personnes qui subissent ce type de discriminations. Et plus largement un signal de son absence d’efforts en faveur du renouvellement politique. Michel Barnier, non seulement ce ne sont pas des idées neuves, mais ce sont des idées réactionnaires. (...)

On sait désormais que la « stabilité institutionnelle » n’était qu’un prétexte pour écarter la gauche du pouvoir. Il craignait que je détricote ce qu’il a fait. Mais ça, ça s’appelle la démocratie.

Pour mettre toutes les chances de gouverner de votre côté, ne fallait-il pas faire des concessions sur le programme du NFP, pour trouver un accord de non-censure avec les autres groupes à l’Assemblée nationale ?

Je pense que le président de la République et son camp sont de très mauvaise foi, là encore, quand ils véhiculent l’idée selon laquelle nous avons toujours dit : « Le programme, rien que le programme, tout le programme. » Ce n’est pas ce que j’ai défendu. J’ai dit que nous voulions « rompre avec la logique d’un camp contre un autre ». Nous voulions montrer que nous respections le travail transpartisan. Mais personne n’a voulu voir ça. Ce n’est pas que ça a échappé à Emmanuel Macron : il ne veut simplement pas qu’on gouverne, il ne veut pas qu’on change la vie des gens.

Par ailleurs, le format des consultations telles qu’il les a organisées a conduit à figer l’ensemble des participants dans leur positionnement. Il n’est pas possible dans un tel contexte de construire des accords sur certains textes. (...)

Aviez-vous anticipé que certains points du programme du NFP – Smic à 1 600 euros et rétablissement de l’impôt sur la fortune – allaient être clivants, que vous alliez devoir faire des concessions ?

Nous n’avons pas raisonné dans ce sens-là. On s’est plutôt demandé quelles premières mesures nous allions porter, celles qui auraient un sens très profond pour les Français et qui seraient susceptibles de créer du consensus. Je pense à la réforme des retraites. On nous dit que c’est un « totem », mais en réalité, c’est le totem du président de la République : c’est lui qui s’est acharné envers et contre tout à faire passer cette réforme. (...)

Les sujets de services publics sont aussi très consensuels quand on s’adresse à la population. Pour peu qu’on arrive à dépasser nos clivages partisans, on peut donc parvenir à des accords. Les députés ont aussi des comptes à rendre à leurs électeurs.

Si le NFP réplique par la censure du nouveau gouvernement, le Rassemblement national (RN) aura un droit de vie ou de mort sur ce dernier. N’est-ce pas prendre le risque d’accorder énormément de pouvoir à l’extrême droite ?

Ce n’est pas le NFP qui lui accorde autant de pouvoir, c’est le résultat des élections. Je ne peux pas répondre autre chose. Il y a trois blocs à l’Assemblée nationale, nous en sommes conscients. Mais le Nouveau Front populaire censurera un nouveau gouvernement, quel qu’il soit, s’il considère que la politique qu’il mène est injuste et ne répond pas aux besoins des Français. (...)

Avec ses 126 députés, le RN aura néanmoins un poids déterminant et son institutionnalisation ne va faire que s’accentuer…

C’est une source de préoccupation majeure pour moi et ça devrait l’être pour le président de la République. Mais ce qu’il est en train de faire, en bloquant la vie politique de notre pays, donne l’impression aux gens qu’ils votent pour rien. Je note qu’Emmanuel Macron était disposé à donner les clés d’un gouvernement sans majorité absolue à Jordan Bardella, ce qu’il refuse aujourd’hui à la gauche.

Le président de la République joue donc un rôle majeur dans l’institutionnalisation du RN et il le fait de manière cynique. Je suis sincèrement effrayée pour notre pays. Les sorties du parti de Marine Le Pen sur les binationaux nous rappellent que nous n’avons pas affaire à une extrême droite policée, mais à une extrême droite prête à fracturer le pays et à trier nos concitoyens.

Toute poursuite de la politique menée depuis sept ans, même avec quelques atténuations de façade, donnera un boulevard au RN qui pourra dire : « La prochaine fois, choisissez une vraie alternance. » Mon espoir était que le NFP puisse incarner une alternance politique. Le président de la République a fait le lit du RN, car la politique qu’il est en train de conduire, prétendument au-dessus du clivage droite/gauche, ne prend pas en compte la vie des gens. (...)

Le Medef dit être soulagé que le NFP ne gouverne pas, mais les entreprises ont besoin de services publics qui fonctionnent. Il y a beaucoup de choses qui sont passées sous silence pour des raisons de dogme. (...)

Le peuple de gauche a vécu par alternance des moments de désespoir et de soulagement vis-à-vis des partis de gauche. On sait les difficultés qu’ils ont à s’unir. Pouvez-vous garantir que la stabilité du NFP est acquise ?

Il y a du travail pour que cette stabilité soit maintenue. Il sera nécessaire de s’appuyer de nouveau sur la société civile, sur les forces syndicales, les collectifs, les associations. Cela contribuera à nous tenir ensemble. C’est un travail qui ne s’arrête jamais. La longévité du NFP jusque-là n’était pas acquise. On a été nombreux à craindre sa dislocation au lendemain des élections. (...)

Je sens une sincère volonté de préserver cette union en respectant les différences de chacun. Pour l’instant c’est possible et j’espère que ça durera encore. Il n’y a pas de volonté d’uniformisation. Quand La France insoumise (LFI) a revendiqué la destitution, les autres partis, qui n’y étaient pas favorables, ont dit que ce n’était pas la meilleure option, mais ce n’est pas un drame. Détendons-nous. (...)

Vous irez dans des endroits où vous n’êtes pas en terrain conquis ?

J’irai surtout là où les gens votent RN. Ce sera probablement assez désagréable, mais si on ne reste qu’entre nous, on ne risque pas d’élargir le socle électoral de la gauche. Mon idée est d’incarner collectivement ce que serait une alternative de gauche, à échéance de quelques mois si on est appelés à gouverner après la censure ou en 2027.

On pose souvent un constat de droitisation de la France, mais vous dites que les propositions du NFP sont consensuelles dans le pays…

Parce que la droitisation se produit surtout par en haut, au niveau médiatique notamment. Il y a des intérêts très clairs de personnes qui ne veulent pas la répartition des richesses et qui sont pour le statu quo. Mais il y a des cycles dans l’histoire. On ne sait pas quand un basculement se produit. Il faut l’encourager à se retourner et c’est le choix que je fais.

Serez-vous à la mobilisation du 7 septembre ?

Pour la démocratie, j’irai avec grand plaisir. (...)