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Un mouvement social handicapé par sa fascination pour la violence
Article mis en ligne le 23 mai 2016

Les idées de « provocations » policières ou d’une violence qui serait indispensable au changement de l’ordre établi paraissent plus que jamais populaires, sans être aucunement prouvées.

« C’est normal que les gens ne viennent plus en tee-shirt en manif », explique tranquillement un jeune homme battant le pavé, le 19 mai à Paris, contre la loi Travail ». Le manifestant devrait désormais se munir d’un foulard, d’un casque, de lunettes de plongée ou encore d’un masque pour se protéger des coups et des gaz lacrymogènes. On conviendra que cet équipement n’incitera pas le plus grand nombre à descendre dans la rue.

C’est un fait que les violences émaillent désormais systématiquement les manifestations au point que les prétendus « débordements » apparaissent pour le moins prémédités. La responsabilité de ces violences fait, bien entendu, l’objet de vives polémiques. La légende urbaine de policiers en civil qui casseraient pour discréditer la protestation populaire court toujours, même si personne n’a jamais pu la transformer en réalité démontrée.

Il est par ailleurs difficile de renvoyer dos à dos violences policières et violences manifestantes. D’abord parce que les secondes sont parfois publiquement revendiquées, au rebours des premières. Ensuite parce que la plupart des affrontements commencent par une attaque contre les forces de l’ordre, même si celle-ci répliquent parfois sans beaucoup de discernement.

Pas moins de 360 fonctionnaires de police ont été blessés depuis mars dans les manifestations. De l’autre côté, on ignore le nombre exact de victimes mais l’on sait qu’un jeune manifestant, qui était loin d’être violent, a perdu un œil à cause d’un tir de flash-ball à Rennes. Et que la « police des polices » a déjà ouvert pas moins de 29 enquêtes au sujet de violences policières.
Des violents doublement pros

Les éléments violents, qui se regroupent souvent en tête de cortège, avant même le carré des organisateurs officiels, sont difficiles à caractériser. Ils se distinguent toutefois des « casseurs » des décennies précédentes, adeptes d’une violence gratuite, ou encore des « dépouilleurs » qui attaquaient les cortèges lycéens pour leur dérober portables et autres effets personnels.

Parmi les groupes qui pourraient être partie prenantes des actions dures, les médias citent généralement le Mili (Mouvement inter-luttes indépendant), qui se présente comme « une base permettant aux différentes composantes de la jeunesse de rompre avec l’isolement, se rencontrer, s’organiser afin de se mesurer collectivement à ce monde et à sa violence indistinctement matérielle et existentielle ». Ou encore « Action antifasciste Paris Banlieue », qui prône une « autodéfense populaire ». Sans oublier les célèbres « Black Blocs », redoutables commandos de noir vêtus.

Une chose est certaine, le sérieux de beaucoup de ces éléments violents impressionne les policiers confrontés à des groupes « structurés, très professionnels, bien équipés ». « Ils sont de plus en plus organisés, méthodiques », constate le préfet de police de Paris Michel Cadot.

« Professionnels », ces groupes sont aussi des provocateurs aguerris. Leur stratégie de la tension vise bel et bien à provoquer une réaction policière selon la dialectique éprouvée du cycle provocation-répression. L’espoir que cette dernière suscite une indignation populaire facteur de mobilisation accrue peut même créer les conditions du pire. Un manifestant tué coûte généralement cher au pouvoir en place...
Complémentarité pacifisme-violence

Confrontés à ces violences récurrentes, les syndicats semblent quelque peu dépassés. Dans un premier temps, ils ont fait semblant d’ignorer le phénomène. La CGT était d’autant plus gênée pour les condamner clairement qu’elles s’était lancée dans une campagne controversée de dénonciation des violences policières.

Lorsqu’il est devenu patent que ces actions handicapaient gravement une mobilisation contre la loi Travail qui plafonne depuis quelques temps, les organisations syndicales se sont enfin décidées à donner à leur service d’ordre la mission de ne pas laisser les éléments violents pourrir leurs manifestations.

Mais cette attitude n’a pas été du goût d’une fraction non négligeable des manifestants, qui ont alors crié à la connivence entre la police et les SO. Car la violence est loin d’être condamnée par tous. (...)

Nos obscurs stratèges de la tension subversive devraient peut-être s’en inquiéter : les forces contre-révolutionnaires, dans leur diversité, auraient de grandes chances de gagner ce nouvel épisode annoncé de la guerre civile en France...