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Le Monde
« Un enfant qui grandit en zone de guerre n’est pas une bombe à retardement »
Article mis en ligne le 31 juillet 2022
dernière modification le 30 juillet 2022

Alors que la France a procédé le 5 juillet au rapatriement d’enfants de djihadistes français détenus en Syrie, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik et le psychiatre Serge Hefez exhortent le gouvernement, dans une tribune au « Monde », à accélérer le retour de ceux qui se trouvent encore sur place.

Plus de 150 enfants français et leurs mères sont toujours prisonniers dans les camps du Nord-Est syrien. La France s’isolait de plus en plus et devait, comme l’Allemagne, la Belgique, et tant d’autres pays, faire le choix de la responsabilité et de l’humanité en rapatriant tous ces enfants français et leurs mères. Après trois ans et demi d’inertie et de tergiversations, la France a donc enfin abandonné sa politique dite du « cas par cas » consistant à distinguer les enfants qui mériteraient d’être sauvés et les autres. (...)

Des années durant, elle a fait croire que les opérations de rapatriement étaient beaucoup trop dangereuses pour être menées à bien ou que les femmes avaient vocation à être jugées sur place, ce qui est tout simplement impossible. Elle a tenté, alors qu’aucun autre pays européen n’avait osé aller jusque-là, d’arracher des enfants à leurs mères en plein désert syrien et de les ramener seuls en France, plus traumatisés que jamais. Elle a, enfin, et notamment devant la Cour européenne ou le Comité des droits de l’enfant, assuré qu’elle n’avait aucun pouvoir sur ces camps pour mieux expliquer ce choix du pire. Tout cela appartient désormais au passé. Mais un passé qui pèsera lourd chez ces enfants qui, peu ou prou, sont tous entrés dans les camps alors qu’ils n’avaient pas 6 ans. Trois, quatre ou cinq années à attendre que la France les rapatrie, c’est toute une enfance à réparer. (...)

Des années durant, elle a fait croire que les opérations de rapatriement étaient beaucoup trop dangereuses pour être menées à bien ou que les femmes avaient vocation à être jugées sur place, ce qui est tout simplement impossible. Elle a tenté, alors qu’aucun autre pays européen n’avait osé aller jusque-là, d’arracher des enfants à leurs mères en plein désert syrien et de les ramener seuls en France, plus traumatisés que jamais. Elle a, enfin, et notamment devant la Cour européenne ou le Comité des droits de l’enfant, assuré qu’elle n’avait aucun pouvoir sur ces camps pour mieux expliquer ce choix du pire. Tout cela appartient désormais au passé. Mais un passé qui pèsera lourd chez ces enfants qui, peu ou prou, sont tous entrés dans les camps alors qu’ils n’avaient pas 6 ans. Trois, quatre ou cinq années à attendre que la France les rapatrie, c’est toute une enfance à réparer. (...)

Le petit Fouad, entré dans le camp à l’âge de 2 ans, en a 6 aujourd’hui. Son jeu favori, en France, est d’ouvrir et de fermer les portes, et son premier geste fut de dessiner un beau paysage coloré remis à sa maman incarcérée quelques jours après son arrivée. La petite Leïla avait été séparée de ses deux frères aînés en janvier 2021. Sylvie, leur mère, avait en effet accepté de laisser partir ses enfants en France sans elle ; mais Leïla, la plus jeune, s’était tellement agrippée à Sylvie en hurlant qu’il avait fallu la laisser sur place. Toutes deux sont rentrées le 5 juillet, et la fillette a pu immédiatement rejoindre ses deux frères dans leur famille d’accueil. Sylvie, elle, a pleuré de joie dans sa cellule devant la photo de ses trois enfants réunis.

Des victimes à soigner (...)