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Reporterre
Sur la Zad, le gouvernement prépare une répression de masse
Article mis en ligne le 19 octobre 2016

Effectifs redoublés de magistrats, mobilisation des douanes, antennes mobiles de garde à vue... Dans une circulaire, le ministère de la Justice édicte les dispositifs spéciaux mis en place pour une répression rapide lors des opérations prévues sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes et sur Calais.

Le ministère de la Justice a publié début octobre une circulaire adressée à tous les procureurs et aux présidents des tribunaux. Ce texte, que révèle Reporterre édicte nombre de mesures spécifiques pour accélérer le traitement des "infractions" constatées. Il traite spécialement des "zadistes", mais aussi de la situation à Calais, où le démantèlement du grand campement des migrants est prévu à partir de lundi 24 octobre. (...)

Les zadistes et les militants ayant des velléité de manifestations ainsi que les jeunes des quartiers populaires sont clairement dans le collimateur du ministère, qui envisage un « nombre conséquent d’interpellations ». La circulaire prévoit des tribunaux d’urgence par la « création d’audiences spécifiques lorsqu’elles n’existent pas, ou dédoublement de celles déjà prévues » et avec diffusion à l’audience des vidéos retenues pour preuves contre les manifestants « y compris les extraits des enregistrements de vidéoprotection [vidéo surveillance-NDLR] ». Il faudra juger sans attendre, prévoir plus de magistrats, plus d’audiences, et des procédures qui tiennent debout pour étayer cet abattage judiciaire. Les douaniers seront réquisitionnés pour contrôler les véhicules avant les manifestations, ce qui ne leur est jamais arrivé.
Juger sans attendre

Le ministère de la justice a adressé cette circulaire aux procureurs, maîtres des poursuites, afin d’anticiper le traitement expéditif de nombreuses personnes arrêtées et de parer aux « débordements », « compte tenu des difficultés engendrées par le traitement, dans l’urgence, de faits qui relèvent d’un phénomène de masse, et de l’articulation malaisée entre les opérations nécessaires de maintien de l’ordre et les impératifs d’efficacité judiciaire ». Ces « orientations de politiques pénales » ciblent les « manifestations sur la voie publique proches de celles constatées lors de violences urbaines » et « le traitement des infractions commises par certains mouvements dits "zadistes" » considérés comme des occupations illicites de terrains « afin de s’opposer à un projet d’aménagement au motif qu’il porterait atteinte à l’environnement ». (...)

Le recours systématique à des geôles roulantes sur les lieux d’interpellation doit fluidifier les procédures et les rendre plus fiables en justice : « Certains des officiers de police judiciaire pourront se tenir à proximité des lieux d’interpellation dans des véhicules adaptés susceptibles de constituer des antennes mobiles pour la notification immédiate des droits aux personnes placées en garde à vue. » Ces réactualisation du panier à salade ont déjà servi lors des arrestations lors des manifs contre la loi travail.

Confrontation rapide

Si elle conteste ce qu’on lui reproche, la personne interpellé devra être confrontée à son accusateur. Cette confrontation n’est pas prévue immédiatement mais au moins dans le temps de la garde à vue : « L’audition des agents interpellateurs et leur mise en présence avec les personnes interpellées doivent dans la mesure du possible être largement prescrites, tout particulièrement lorsque les faits sont contestés. »
Même si la mesure a prévu les excuses (« dans la mesure du possible ») et une échappatoire est prévue par le texte pour « concilier les impératifs liés aux investigations judiciaires et ceux liés aux contraintes opérationnelles du maintien de l’ordre », la mesure est vue comme positive par le syndicat de la magistrature : « C’est une avancée vis à vis du traitement expéditif. Souvent, les policiers rechignent à être entendus ou confrontés, s’en remettant à leur seul procès verbal. La confrontation, c’est un progrès, qui permet de mettre en évidence les témoignages parfois très faibles des policiers »

Manifestation = Association de malfaiteurs

Le texte conseille le recours à la qualification pénale « d’attroupement » qui transforme un rassemblement ou une manifestation en infraction pénale, et au « délit d’association de malfaiteurs » habituellement utilisé contre le grand banditisme. (...)

« Un Vademecum de la répression »

Peu connue, la circulaire a suscité encore peu de réactions.

Pour Laurence Blisson, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, interrogée par Reporterre, ce texte « est un vade mecum de la répression, avec une volonté d’articulation de tous les dispositifs répressifs, tout en sécurisant les procédures pour réprimer plus ».

Du côté du syndicat CGT des Douanes, Anne Azoulay-Fravel observe :
« Nous ne pouvons que nous inquiéter d’une circulaire qui souhaite associer des douaniers à des missions de maintien de l’ordre. Cette circulaire laisse se dessiner une mise sous tutelle de la douane. Bien que très variées, nos missions (on en dénombre près de 400) concernent la lutte contre la fraude (stupéfiants, contrefaçons), contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent, le terroriste, pour la protection des espèces menacées, etc. Mais pas le maintien de l’ordre ! Cette circulaire a suscité un vif émoi dans la communauté douanière qui connaît une triste période de restructurations et de suppression d’emplois (et ce malgré les annonces officielles présidentielles suite aux attentats). Les services rencontrent chaque jour plus de difficultés pour mener à bien leurs missions, tant par manque de moyens humains que matériels. »

Au syndicat Solidaires des Douanes, Philippe Bock, co-secrétaire, réagit : « Le maintien de l’ordre n’est pas notre métier. Là c’est inscrit dans un texte, et c’est inquiétant. S’il ne s’agit pas d’infraction douanière, on est dans une autre logique, qui tord les textes. »

Sollicité, le ministère de la Justice n’a pas donné suite aux questions de Reporterre.