
Défi au gouvernement. Volonté de relancer le débat sur l’usage de l’atome pour la production d’électricité. Véritable ambition politique. Il y a un peu de tout cela dans le projet de loi prévoyant la sortie du nucléaire déposé, vendredi 9 mars, par quatre partis de l’opposition japonaise, à commencer par le Parti démocrate constitutionnel (PDC), qui avait fait campagne sur ce point lors des législatives d’octobre 2017.
Le texte prévoit d’arrêter tous les réacteurs d’ici à cinq ans et de réduire de 30 % les besoins annuels en électricité d’ici à 2030, par rapport au niveau de 2010. Il souhaite porter à 40 % la part des renouvelables. Pour financer le démantèlement des réacteurs, leur nationalisation est envisagée. (...)
Sept ans après la catastrophe de Fukushima de mars 2011, la défiance des Japonais envers l’atome reste réelle. Dimanche 11 mars, jour anniversaire de la pire catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl, une cérémonie officielle s’est tenue à Tokyo, en présence du premier ministre Shinzo Abe, du prince Akishino, fils cadet de l’empereur Akihito, et de son épouse Kiko, tous deux représentant le couple impérial, ainsi que de survivants. Les opposants à l’atome ont également appelé à manifester.
Indépendamment de l’initiative du PDC, la sortie du nucléaire est aussi promue par les anciens premiers ministres, Junichiro Koizumi – mentor de Shinzo Abe, l’actuel premier ministre –, Morihiro Hosokawa ou encore Naoto Kan, qui dirigeait le gouvernement au moment de la catastrophe (...)
A la centrale, les progrès pour le démantèlement sont réels mais lents. La Compagnie d’électricité de Tokyo (Tepco, responsable de Fukushima) doit notamment résoudre les problèmes de l’extraction du corium, le combustible fondu de trois réacteurs, et de l’eau contaminée, issue du refroidissement des réacteurs endommagés. 850 000 tonnes ont été accumulées. (...)
Au sein du cabinet Abe, l’unanimité à soutenir le nucléaire semble se fissurer. Le ministre des affaires étrangères, Taro Kono, connu pour son hostilité à cette énergie, a profité d’une conférence à Abou Dhabi, le 17 janvier, pour critiquer les objectifs d’utilisation des énergies renouvelables, les qualifiant de « lamentables » et en retard car « le pays privilégie le statu quo par peur du changement ». (...)
Proche d’une industrie inquiète des conséquences financières d’une sortie du nucléaire, le gouvernement Abe cherche à relancer 42 réacteurs sur les 54 en fonctionnement avant le 11 mars 2011. Après la catastrophe, l’ensemble du parc avait été mis à l’arrêt, faisant bondir les importations de combustible pour centrales thermiques. Mais le processus de redémarrage reste lent et complexe. Cinq réacteurs ont repris du service, 19 autres attendent une autorisation de redémarrer.
Outre les coûts d’adaptation aux nouvelles normes de sécurité édictées après Fukushima, qui s’élèveraient à près d’un milliard de dollars par réacteur, la relance se heurte aux réticences des populations. A la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, gérée par la Tepco, le gouverneur du département de Niigata, Ryuichi Yoneyama, s’y oppose. Il estime que les causes réelles de la catastrophe de Fukushima restent à déterminer, de même que l’impact réel d’un accident nucléaire sur le corps humain et la vie quotidienne. (...)