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"C’est à notre tour de nous bouger le cul" : les étudiants parisiens installent des migrants dans la fac de Paris 8
Article mis en ligne le 1er février 2018

Après Nantes et Lyon, un regroupement autogéré de collectifs parisiens occupe un bâtiment entier de l’université Paris 8, à Saint-Denis depuis mardi 30 janvier. Ils y ont logé de force une trentaine de migrants qui y ont passé la nuit sans être évacués. Récit de cette première journée d’occupation.

Après Nantes et Lyon, un regroupement autogéré de collectifs parisiens occupe un bâtiment entier de l’université Paris 8, à Saint-Denis depuis mardi 30 janvier. Ils y ont logé de force une trentaine de migrants qui y ont passé la nuit sans être évacués. Récit de cette première journée d’occupation.
Les quantités de nourriture collectée, de matelas, de couvertures ou de vêtements le prouvent : l’opération est minutieusement préparée depuis plus d’un mois. "On investit un bâtiment de Paris 8 pour loger des exilés qui dorment dans la rue, résume un étudiant de l’université (...)

En écho aux initiatives d’occupations étudiantes et citoyennes lyonnaises ou nantaises, mardi 30 janvier, un regroupement de collectifs parisiens, essentiellement composés d’étudiants, a investi le bâtiment A de l’université Paris 8 pour y installer des migrants "dublinés". Objectifs : leur permettre de dormir sous un toit, protester contre la politique migratoire et, à terme, négocier une régularisation générale.

"Le mouvement commence enfin"

Ceux qui se font appeler "le comité de soutien aux occupant.e.s du bâtiment A" ont d’abord pensé à d’autres lieux de la capitale, plus centraux, peut-être plus symboliques. Trop compliqué, pas assez sûr. Ça sera finalement Paris 8, à Saint-Denis, choisie pour sa taille et ses nombreuses sorties mais aussi pour la sensibilité de gauche de ses étudiants et de ses professeurs.

Mardi, aux alentours de midi, environ soixante étudiants de plusieurs universités escortent discrètement une dizaine de migrants dans des salles d’un bâtiment reculé de la faculté de Saint-Denis. A midi et demi, trois salles sont occupées au deuxième étage. Les entrées sont sécurisées, les lieux nettoyés et le ravitaillement mis en place. "Le mouvement commence enfin", se réjouit un jeune d’une vingtaine d’années, les bras chargés de cageots de mangues.

Evacuation aux aurores

Jusqu’au dernier moment, l’incertitude régnait (...)

Mais alors que tout le monde baisse les bras, une dizaine de personnes arrivent au point de rendez-vous. En majorité soudanais, érythréens, éthiopiens et guinéens. Eux sont dans la boucle depuis le début. "Ça fait un mois qu’on leur promet un toit, on ne peut plus reculer." L’opération est réactivée, une nouvelle salve de sms est envoyée aux participants.

Pendant ce temps à Saint-Denis, des étudiants de la fac se postent par petits groupes pour baliser le passage. Ils indiquent la route à suivre pour accéder au bâtiment A dans les dédales de Paris 8. Un signe de tête, un sourire montre le chemin à ceux qui savent, venus de toutes les universités parisiennes.

Cuisine, communication et dortoir

En moins de deux heures, des banderoles sont fixées aux fenêtres "Bâtiment à occuper", "Les exilé.e.s occupent le bâtiment A, rejoignez nous". Les trois salles de classe à l’étage sont réparties en plusieurs pôles.

Une salle est investie par le "pôle com". Sorte de cellule de crise où les étudiants pianotent sur leurs ordinateurs pour ameuter les réseaux sociaux, écrire les communiqués, prévenir les journalistes, imprimer les tracts. Une équipe prévient la présidence de la faculté. Une autre est chargée d’aller avertir un maximum d’étudiants de ce qu’il se trame dans le bâtiment A.

Des règles sont fixées pour s’adresser aux médias. "Pas moins de trois personnes, toujours un exilé présent." Un étudiant explique. "On est pas là pour nous, on est là pour eux. Tout est fait en accord avec les exilés. C’est d’abord pour les loger qu’on est ici, pour qu’ils aient un toit."

Abandon du règlement de Dublin (...)

Après Nantes et Lyon, un regroupement autogéré de collectifs parisiens occupe un bâtiment entier de l’université Paris 8, à Saint-Denis depuis mardi 30 janvier. Ils y ont logé de force une trentaine de migrants qui y ont passé la nuit sans être évacués. Récit de cette première journée d’occupation.
Les quantités de nourriture collectée, de matelas, de couvertures ou de vêtements le prouvent : l’opération est minutieusement préparée depuis plus d’un mois. "On investit un bâtiment de Paris 8 pour loger des exilés qui dorment dans la rue, résume un étudiant de l’université en réajustant son écharpe. Aujourd’hui, c’est à notre tour de nous bouger le cul."

En écho aux initiatives d’occupations étudiantes et citoyennes lyonnaises ou nantaises, mardi 30 janvier, un regroupement de collectifs parisiens, essentiellement composés d’étudiants, a investi le bâtiment A de l’université Paris 8 pour y installer des migrants "dublinés". Objectifs : leur permettre de dormir sous un toit, protester contre la politique migratoire et, à terme, négocier une régularisation générale.

"Le mouvement commence enfin"

Ceux qui se font appeler "le comité de soutien aux occupant.e.s du bâtiment A" ont d’abord pensé à d’autres lieux de la capitale, plus centraux, peut-être plus symboliques. Trop compliqué, pas assez sûr. Ça sera finalement Paris 8, à Saint-Denis, choisie pour sa taille et ses nombreuses sorties mais aussi pour la sensibilité de gauche de ses étudiants et de ses professeurs.

Mardi, aux alentours de midi, environ soixante étudiants de plusieurs universités escortent discrètement une dizaine de migrants dans des salles d’un bâtiment reculé de la faculté de Saint-Denis. A midi et demi, trois salles sont occupées au deuxième étage. Les entrées sont sécurisées, les lieux nettoyés et le ravitaillement mis en place. "Le mouvement commence enfin", se réjouit un jeune d’une vingtaine d’années, les bras chargés de cageots de mangues.

Evacuation aux aurores

Jusqu’au dernier moment, l’incertitude régnait. Plus tôt le matin, tout a failli être annulé. Les rares personnes au courant sont alertées par sms : "On avorte, grosse évac." L’opération fixée pour 10h30 chancelle. Les migrants prévenus, ceux qui dorment chaque nuit dans des tentes aux portes de la Chapelle et de la Villette ont été évacués aux aurores. La quarantaine de personnes qui devaient être conduites à l’université a disparu, emmenées dans les bus des CRS.

Une petite psychose s’installe. "Ils n’ont évacué que la partie du canal où logeait ceux qui devaient nous accompagner", peste un militant qui s’interroge sur une fuite éventuelle.

"On ne peut plus reculer"

Mais alors que tout le monde baisse les bras, une dizaine de personnes arrivent au point de rendez-vous. En majorité soudanais, érythréens, éthiopiens et guinéens. Eux sont dans la boucle depuis le début. "Ça fait un mois qu’on leur promet un toit, on ne peut plus reculer." L’opération est réactivée, une nouvelle salve de sms est envoyée aux participants. (...)

Kamal*, un Soudanais d’une vingtaine d’année dort depuis deux ans dans la rue. "Dans notre pays, la guerre est notre quotidien, du matin au soir." Devant l’assemblée silencieuse, il se souvient : "On nous a appris à l’école que la France est une terre d’asile. Mais il y a un choc, une différence entre ce qu’on nous a dit et la réalité à laquelle nous sommes confrontés." Personne ne moufte dans la salle. L’excitation de l’occupation est retombée, on prend conscience de l’action. "Je demande à la France, au nom des migrants, de nous donner des droits. Des droits fondamentaux, comme se loger. Ne pas les avoir, c’est nous réduire à une condition d’animal, pas d’être humain."

"Pas le luxe, mais on a bien dormi"

Pour bon nombre d’exilés, la nuit de mardi à mercredi est la première qu’ils passent dans du dur depuis des mois, sans la crainte immédiate d’être expulsé le lendemain. Ils sont finalement cinquante étudiants à rester à leur côté sur place toute la nuit. "C’est pas le luxe, mais on a bien dormi", sourit l’un d’entre eux au réveil. (...)