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Mediapart
Nahel : ces milices d’extrême droite qui se substituent à la police
#Nahel #violencespolicieres #emeutes #Alhoussein #extremedroite
Article mis en ligne le 4 juillet 2023

Dans plusieurs villes, des militants d’extrême droite sont descendus par dizaines dans les rues. Masqués ou cagoulés, parfois armés de battes, ils ont crié des slogans racistes. À Lorient, ils ont interpellé des émeutiers qu’ils ont ensuite remis à des policiers.

Ce week-end, des militants d’extrême droite ont déambulé par dizaines dans les rues de plusieurs villes (Lorient, Angers, Chambéry, Lyon). Masqués ou cagoulés, parfois armés de battes et de bâtons, ils ont crié des slogans racistes ou s’en sont pris à des individus dans la rue.

Les images de ces défilés, relayées sur les réseaux sociaux par des militants antifascistes et des élu·es, laissent apparaître un fonctionnement de milices désireuses d’intimider ou de se substituer aux forces de l’ordre, alors que des émeutes se poursuivaient. Ces actions sont le prolongement des attaques violentes et menaces de groupuscules d’extrême droite aux quatre coins du pays ces derniers mois (lire notre article). (...)

Vendredi 30 juin au soir, la police se déploie dans le centre-ville de Lorient (Morbihan), là où des jeunes se sont, via TikTok, donné rendez-vous pour brûler voitures et poubelles et dégrader si possible des bâtiments. La centaine d’émeutiers évite la confrontation directe, se disperse dans les rues quand, aux environs de 22 h 30, une trentaine d’hommes et quelques femmes, vêtus de tenues sombres, débarquent. (...)

Capuches sur la tête, tours de cou remontés jusqu’au nez, gants coqués aux mains, on pourrait s’y méprendre. Mais leurs actes parlent pour eux : ils coursent les émeutiers, les frappent et, quand ils en arrêtent, les remettent à la police. Le Télégramme et Ouest-France consacrent des articles très fouillés à cette milice qui ne dit pas son nom. Le Télégramme raconte que ses journalistes ont assisté à deux « interpellations sauvages » de la part des miliciens. (...)

Un autre marche, mains attachées dans le dos et tête maintenue baissée, entouré par ceux qui l’ont « interpellé ». Plusieurs témoins rapportent à Mediapart des tabassages, notamment d’une personne qui tentait de mettre le feu à une poubelle. Plus gênant, une partie de ces faits se seraient déroulés avec la complicité de la police. Un employé d’un magasin de bricolage confie en effet avoir vu un équipage de la BAC, dans une Skoda noire, « faire le lien entre la milice et le reste des effectifs de la police » lors de trois interpellations sauvages auxquelles il dit avoir assisté. « On les a également vus courir à côté des policiers en tenue… », poursuit-il.

« On a laissé faire en début de soirée, parce que ça nous a soulagés, confie un policier au Télégramme. Mais en fin de “séquence”, certains d’entre nous ont finalement décidé de les disperser, se rendant compte qu’ils y allaient un peu fort. »

Trois autoproclamés « anticasseurs » ont accordé une interview à la radio locale Jaime, dans laquelle ils n’ont aucune difficulté à reconnaître leur bonne entente avec les forces de l’ordre. « On se concertait avec la BAC qui nous disait où ne pas aller. Quant aux émeutiers, dès qu’ils nous voyaient, ils couraient. On courait aussi. Si on les attrapait, on leur mettait des Serflex aux mains. » Les Serflex sont ces colliers de serrage qui font office de menottes de fortune. Leur utilisation contredit les propos tenus à la radio, lorsqu’ils expliquent que leur action était improvisée. (...)

Les trois « anticasseurs » interviewés par la radio nient appartenir à un groupuscule d’extrême droite. Même si leur rhétorique, sommaire, reprend ses codes. « Non, nous sommes juste des personnes qui veulent sauver la France » (...)

Des militants de Reconquête, le parti d’Éric Zemmour, ou du syndicat d’extrême droite La Cocarde étudiante ont été vus cette nuit-là à Lorient au moment de l’intervention de la milice. « Mais c’était trop bien rodé, l’organisation était millimétrée. Jamais les partisans locaux de Reconquête ne seraient capables de cela » (...)

Au sein d’une ville connue pour abriter 4 000 militaires de la marine nationale, l’hypothèse d’une participation, au sein de la milice, de fusiliers marins ou de commandos marine, des anciens ou d’active, revient avec insistance. Ceux qui les ont vus agir en sont convaincus. Lors de l’entretien accordé à la radio locale, l’un des « anticasseurs » répète à plusieurs reprises « en tant que civil », une expression plutôt propre aux militaires. Mais à ce stade, Mediapart n’a pas pu confirmer leur participation. (...)