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Marie-José Tubiana, spécialiste du Darfour et soutien des demandeurs d’asile, célébrée au Fipadoc
Article mis en ligne le 25 janvier 2022

"Marie-José Tubiana est pour moi une Juste parmi les Nations. Et son portrait me permettait de raconter le Darfour", explique Camille Ponsin. Le réalisateur français vient de remporter le Grand Prix du documentaire national au Fipadoc, à Biarritz, avec "Marie-José vous attend à 16h". Un merveilleux hommage à cette ethnologue, née en 1930, spécialiste de cette région à l’ouest du Soudan, qui mobilise son savoir pour aider les réfugiés du Darfour à obtenir l’asile politique en France.

"Marie-José Tubiana est pour moi une Juste parmi les Nations. Et son portrait me permettait de raconter le Darfour", explique Camille Ponsin. Le réalisateur français vient de remporter le Grand Prix du documentaire national au Fipadoc, à Biarritz, avec "Marie-José vous attend à 16h". Un merveilleux hommage à cette ethnologue, née en 1930, spécialiste de cette région à l’ouest du Soudan, qui mobilise son savoir pour aider les réfugiés du Darfour à obtenir l’asile politique en France.

Pour être reconnu, chaque demandeur d’asile en France doit prouver d’où il vient. Mais que faire quand le lieu de naissance a disparu après le massacre ? Ces 10 dernières années, après avoir été déboutés par l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), 327 demandeurs d’asile du Darfour ont contacté Marie-José Tubiana. Cette grande experte du Darfour va chercher pendant des jours et des nuits entières le nom d’un village disparu sur des cartes anciennes.

En 20 ans, la guerre civile et le génocide ont fait plus de 300 000 morts et trois millions de déplacés au Darfour. Habitée par une véritable mission, Marie-José Tubiana, ancienne directrice de recherche au CNRS, mobilise sa connaissance du terrain, acquise pendant 60 ans, pour prouver la véracité des récits des réfugiés et les faire respecter.

Entretien croisé de l’ethnologue Marie-José Tubiana et de Camille Ponsin, réalisateur du film "Marie-José vous attend à 16h", récompensé ce week-end au Fipadoc. (...)

RFI : Marie-José est aujourd’hui apparemment la seule experte dans ce domaine. Elle aura bientôt 92 ans et aussi envie de s’arrêter un jour. Comment cette aide peut-elle être maintenue ?

Camille Ponsin : C’est la question qui nous inquiète tous, parce que le destin de nombreux jeunes hommes et jeunes femmes du Darfour dépend de ces attestations. Cela change leur vie d’avoir ce statut de réfugié politique ou pas. S’ils ne l’ont pas, certains sont expulsés vers le Soudan, d’autres sont condamnés à vivre sans papiers, donc dans des conditions très difficiles. Que vont faire les gens si Marie-José Tubiana ne peut plus leur venir en aide ? Ce qui va se faire, c’est qu’elle va transmettre d’abord sa documentation personnelle, parce qu’elle est la seule à avoir une telle documentation. Il y a très peu d’autres personnes en France qui peuvent venir en aide aux réfugiés du Darfour à prouver des choses. Et personne n’a son savoir, sa connaissance et, surtout, toutes ses archives personnelles. Elle a fait elle-même des relevées géographiques, des cartes géographiques en 1965. À l’Ofpra, ils n’ont pas les cartes et disent aux réfugiés : ’Votre village n’existe plus, on ne le voit pas sur la carte’. Marie-José peut ressortir ses cartes. Toute cette documentation et ces archives personnelles vont être archivées, classées, pour que d’autres puissent s’en servir pour venir en aide aux rescapés du génocide.

La difficulté, c’est que c’est un travail qui demande énormément de temps. Marie-José y consacre tout son temps depuis une dizaine d’années. Son fils, journaliste et chercheur, a repris un peu le flambeau. Il fait des enquêtes au Darfour aujourd’hui. Il fait aussi parfois ce travail auprès des réfugiés, mais il a évidemment beaucoup moins de temps que Marie-José à y consacrer.

Donc, j’espère que, au moment de la sortie du film, en octobre, que des gens vont se proposer : des avocats qui vont venir auprès d’elle pour faire le point avec elle. Peut-être qu’il y aura quelqu’un, parmi les jeunes ethnologues et anthropologues, qui s’emparera de cette question et de la documentation et des archives de Marie-José, pour pouvoir continuer son travail.