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l’Humanité
Karim Amellal « Les Algériens veulent faire nation autrement »
Dernières Heures avant l’aurore, de Karim Amellal, aux éditions de l’Aube.
Article mis en ligne le 19 juin 2019

Maghreb. L’écrivain franco-algérien Karim Amellal publie Dernières Heures avant l’aurore, une peinture crépusculaire de l’Algérie de Bouteflika. Retour, avec ce romancier, sur l’ébullition d’une société en quête d’avenir.

(...) Karim Amellal Ce qui s’exprime en ce moment en Algérie, c’est le désir de faire nation autrement, de rompre avec ce nationalisme étriqué qui a poussé beaucoup d’Algériens à ne plus se sentir algériens. Il y a cette envie d’inventer un nouveau projet de société, beaucoup plus inclusif, ouvert à toutes les minorités : culturelles, linguistiques, religieuses, sexuelles. Ce qui implique une rupture avec le primat du religieux, avec ce nationalisme arabe anachronique qui, fondamentalement, malgré le conservatisme ambiant, ne correspond plus à l’idée que la majorité des Algériens se font de leur pays. Dans ce processus, la diaspora veut contribuer à l’écriture d’un nouveau récit national. Ce n’est pas si simple, à distance. Il ne faut pas se voiler la face : la défiance à l’égard de la France rend suspects les Algériens qui y vivent. Et puis la diaspora est loin d’être homogène. Il faudrait d’ailleurs, je crois, y inclure tous ceux qui entretiennent un lien affectif positif avec l’Algérie. (...)

Votre roman fourmille d’indices sur les mutations profondes qui travaillent depuis longtemps la société algérienne et se sont cristallisées ces derniers mois. Diriez-vous de ce pays qu’il est un laboratoire ?

Karim Amellal Oui, clairement ! Vue de loin, l’Algérie ressemblait à une banquise. Il y avait cette façade politique vitrifiée donnant l’impression qu’il ne s’y passait rien du tout. Sauf que, sous la glace, il y avait un bouillonnement hallucinant. La société civile n’est pas née le 22 février. Une multitude de collectifs, de mouvements, de syndicats autonomes ont émergé ces dernières années dans le monde de la culture, à l’université, sur le terrain social. Des mouvements de protestation ont pris corps ; ils n’avaient jamais réussi à se coaliser : ils ont convergé le 22 février. Des forces d’opposition, de contestation se sont structurées hors des cadres politiques traditionnels. C’est le fruit de décennies de luttes et de mobilisations, avec des expérimentations, des échecs, des leçons retenues de ce qui s’est passé en Tunisie, en Égypte. Oui, l’Algérie est aujourd’hui un laboratoire. Pas seulement pour le monde arabe : pour toute l’Afrique. (...)