
Ils mesurent plus de 300 mètres de long et transportent plus de 4.000 passagers. Les paquebots géants sont des villes flottantes, et leur nombre devrait doubler dans les années prochaines. Multipliant les pollutions de l’environnement marin, qu’il s’agisse des émissions toxiques dues à la combustion du fioul ou les eaux usées et déchets solides des touristes.
(...) Aujourd’hui, 38 paquebots géants sillonnent les océans et les mers du monde. Longs de 300 mètres ou plus, ils font la fortune des mastodontes de la croisière que sont Royal Caribbean Cruise Line, MSC Croisières ou Carnival Corporation (la maison mère de Costa Croisières). « Grâce à ces navires XXL, les armateurs peuvent embarquer plus de passagers, et donc casser les prix, analyse Patrizia Heidegger, directrice de l’ONG Shipbreaking Platform. Réservées à une clientèle haut de gamme il y a quinze ans, les croisières sont désormais accessibles au plus grand nombre. » Appâtés par des tarifs démarrant à 400 euros la semaine, 24,2 millions de passagers devraient ainsi embarquer à bord d’un bateau de croisière en 2016. Soit 2,5 fois plus qu’en 2001. Devant un tel succès, les compagnies ont commandé une quarantaine de nouveaux navires de plus de 300 mètres. D’ici à 2024, la flotte mondiale de paquebots géants devrait donc doubler, pour passer à 80 unités environ. (...)
même peu nombreux, ces palaces sur mer ont un impact considérable. Harmony of the Seas peut ainsi accueillir 6.296 passagers pour environ 2.000 membres d’équipage, soit l’équivalent de la population de communes comme Honfleur ou Saint-Jean-de-Monts. Pour balader les touristes sur la mer des Caraïbes, il faut non pas un, mais six moteurs diesel de marque Wärtsilä, dont la taille équivaut à quatre étages d’immeuble. Leur consommation ? 60 tonnes de fioul par jour en moyenne, selon Cédric Rivoire-Perrochat, directeur général de Clia France, l’association mondiale qui représente les compagnies de croisières. Plutôt 150 tonnes, selon le quotidien britannique The Guardian. « Dans les deux cas, c’est énorme. D’autant plus que ces navires utilisent un carburant de très mauvaise qualité, du pétrole quasiment brut et extrêmement polluant, explique François Piccione, coordinateur du réseau Océans, mers et littoraux chez France nature environnement (FNE). Ce fioul contient notamment 3.000 fois plus de soufre que le diesel automobile. »
1,9 million de litres d’eaux usées et 19 tonnes de déchets solides par jour
Selon un rapport de l’OCDE de 2014, le transport maritime est ainsi responsable de 5 à 10 % des émissions mondiales d’oxyde de soufre, un polluant qui accroît le niveau d’acidité des océans, participe à la formation de « mauvais ozone » et de particules fines et ultrafines. (...)
Un point dont les compagnies ne parlent jamais : le démantèlement de leurs bateaux (...)
7 navires sur 10 — transports de passagers et de marchandises — sont envoyés sur des chantiers sauvages, situés en Inde, au Pakistan, ou au Bangladesh. « Les bateaux y sont démontés à même le sable, sans aucune protection pour les travailleurs, et sans aucun dispositif pour éviter la contamination des eaux, des sols ou de l’air, poursuit la directrice de l’ONG. On retrouve sur ces chantiers, du plomb, des PCB, de l’amiante, qui ravagent les écosystèmes environnants. Des dizaines d’espèces aquatiques ont déjà disparu. »
Harmonie des mers, vous disiez ?