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Basta !
Le travail, grand absent du scrutin européen
Article mis en ligne le 6 avril 2014
dernière modification le 3 avril 2014

Faites vous-mêmes le test : dans la campagne pour les élections européennes, combien de fois avez-vous entendu des propositions claires pour améliorer les conditions de travail et combattre la précarité ? Pourquoi le travail est-il un angle mort des débats européens ?

Le travail est pourtant au cœur des enjeux actuels : celui de la démocratie, de la redistribution des richesses, de l’écologie, de l’espérance de vie. Laurent Vogel, directeur du département Santé et sécurité de l’Institut syndical européen, explique en quoi le travail est une question centrale pour l’Europe et les débats politiques à venir. (...)

La journaliste canadienne Naomi Klein [4] a étudié comment des événements désastreux ont été utilisés pour imposer une politique contraire aux intérêts de la majorité de la population. En Europe, la crise a été utilisée comme justification de politiques de dérégulation et d’austérité qui ont démarré bien avant la crise de 2008. C’est un cercle vicieux : plus d’austérité entraîne plus de crise, et plus de crise sert de prétexte à plus d’austérité. Dans les pays où la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI [5]) permet à la Commission européenne d’intervenir sans contrepoids politique, le désastre social est indéniable.

La lente dégradation des conditions de travail

La dégradation des conditions de travail ne découle pas uniquement de ces facteurs politiques. Elle est liée à la montée des inégalités sociales partout dans le monde (...)

Pour l’emploi, le tableau est net. Travail précaire et chômage forment les deux branches de la tenaille. Pour certains risques matériels, la tendance serait plutôt à la stabilité, voire à de légères améliorations. Le tableau d’ensemble est donc nuancé. Ce qui en ressort surtout, c’est l’aggravation des inégalités au sein même du monde du travail. (...)

Le « miracle » allemand est souvent cité comme une potion magique contre le pessimisme. Une de ses composantes est l’augmentation massive des taux d’emploi féminins. À quel prix ? En 2010, un tiers des femmes devait se contenter d’un bas salaire (contre 14 % des hommes). C’est l’explosion du travail à temps partiel (près de la moitié des femmes) avec des durées de travail parmi les plus courtes en Europe (autour de 18 heures) [7].

Cela signifie des revenus insuffisants pour mener une vie indépendante, de moindres possibilités de promotion, de formation et une autonomie réduite dans le travail. Le travail à temps partiel renforce la structure inégalitaire de la famille. (...)

Beaucoup d’attaques contre la sécurité sociale sont justifiées par le vieillissement de la population. (...) Sans amélioration des conditions de travail, tout allongement de l’âge de la retraite débouchera sur des situations d’exclusion dramatiques pour les catégories de travailleurs exposés aux risques les plus importants. L’intensification du travail et les mécanismes d’individualisation font de cet allongement une injonction contradictoire. (...)

La question de la démocratie est sous-jacente dans bien des débats. Abstentionnisme des classes populaires, apparition de partis construits autour d’un leader providentiel, sentiment que tout oppose le « nous » de la société aux « eux » des institutions. Poser la question du travail n’autorise pas de raccourcis démagogiques. Les changements doivent se faire à de nombreux niveaux. Ils sont complexes. Renforcer la division sociale entre « décideurs » et « exécutants » serait un remède pire que le mal. L’intelligence collective des travailleurs est décisive pour identifier les problèmes et imaginer des solutions. S’il existe un déficit démocratique en Europe, il est principalement là : dans l’absence de démocratie au travail.

Un pourcentage croissant de travailleurs n’est plus couvert par des conventions collectives. Près de la moitié des travailleurs européens n’ont accès à aucune forme de représentation organisée. Les chaînes de sous-traitance aggravent cette situation (...)