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Le Parlement élargit encore les dispositions répressives et les pouvoirs de la police
Article mis en ligne le 8 février 2017

L’Assemblée nationale examine jusqu’au 9 février une nouvelle loi de sécurité publique. Elle étend la protection des policiers, en particulier dans leur utilisation de la légitime défense. Les députés la soutiennent, malgré les extrêmes violences policières survenues à Aulnay-sous-Bois.

L’empilement de lois sécuritaires connaît une nouvelle couche. Surveiller et punir, énième loi. Le Parlement examine du 7 au 9 février, en procédure accélérée, le « projet de loi relatif à la sécurité publique no 263 » déjà amendé par le Sénat. Le texte prévoit de protéger davantage les policiers en situation dite de légitime défense, mais il élargit aussi la notion et comporte d’autres dispositions inquiétantes. La loi prévoit ainsi de doubler les peines pour outrage aux forces de l’ordre, rébellion et refus d’obtempérer, qui passeraient de six mois à un an d’emprisonnement et de 7.500 à 15.000 euros d’amende. La loi autoriserait l’anonymat des enquêteurs dans les procédures les plus graves. La nouvelle loi prévoit aussi un cadrage de la « filière privée » de vigiles armés.

Durant les débats de mardi, le ministre de l’Intérieur, Bruno Leroux, a rendu un hommage appuyé aux forces de l’ordre tout comme Yves Goasdoué, rapporteur de la Commission des lois, en demandant « soutien, respect et considération ». La figure rhétorique obligée est aussi conjoncturelle, venant après des manifestations répétées de policiers pendant plus de dix jours consécutifs, parfois de nuit.

Le silence poli a accueilli l’avis au Parlement préalable du Défenseur des droits (et ancien garde des Sceaux de 1995 à 1997) Jacques Toubon, pour qui cette « loi n’est pas le moyen adapté. Elle ne peut être utilisée uniquement comme un outil de management et les outils affichés ne peuvent justifier la modification d’une notion aussi essentielle que la légitime défense ». Il considère que le texte « complexifie le régime juridique de l’usage des armes en donnant le sentiment d’une plus grande liberté pour les forces de l’ordre, au risque d’augmenter leur utilisation, alors que les cas prévus sont déjà couverts » par les textes actuels. (...)

Dans ses critiques au projet de loi, le Syndicat de la magistrature évoque « la prétendue nécessité que les forces de police et de gendarmerie soient “juridiquement plus assurées” dans le maniement de leurs armes et mieux “protégées” à l’occasion des procédures pénales ». Il souligne également : « Présenté en toute fin de législature dans le cadre d’une procédure d’urgence qui interdit un débat apaisé, ce projet a pour unique vocation de donner satisfaction à certaines revendications policières exprimées lors du mouvement de l’automne. » (...)

Ce texte est présenté aux députés dans une période où l’équilibre des pouvoirs entre police et contrôle judiciaire a déjà été sérieusement mis à mal. L’état d’urgence permet en effet des perquisitions, arrestations, assignations à résidence sans intervention d’un magistrat. Des mesures dites « administratives », euphémisme pour signifier qu’elles sont sous l’autorité du ministre de l’Intérieur et donc du gouvernement, sans recours ni procédure contradictoire permettant aux personnes mises en cause de faire valoir leurs droits devant un magistrat. (...)

Pouria Amirshahi déplore « l’empressement avec lequel ont été épousées les thèses néoconservatrices. Certains députés regardent même l’évolution avec une certaine désinvolture, considérant comme secondaires les sécurités publiques vis-à-vis de la protection des policiers. Après la mort de Rémi Fraisse à Sivens et plus récemment l’affaire Théo à Aulnay-sous-Bois, il est plus que nécessaire de ne pas laisser s’installer le silence assourdissant. C’est comme allumer des bougies dans un tunnel ». (...)