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Le Monde
« Je viens faire la fête en colère » : un réveillon sur les Champs-Elysées avec les « gilets jaunes »
Notre reporter Florence Aubenas a passé la nuit à Paris au milieu de « gilets jaunes » de tous horizons, venus célébrer la nouvelle année sans oublier leurs revendications.
Article mis en ligne le 2 janvier 2019

Fini. Terminé. Il n’y a plus de Noël, plus de Saint-Sylvestre, plus d’anniversaire, plus de tee-shirt vintage à vendre. Les tee-shirts, c’était son métier et ça fait un moment qu’il voulait en changer. L’occasion s’est présentée : elle s’appelle les « gilets jaunes », la seule chose qui compte pour lui aujourd’hui. Depuis, il est parti à Paris dans une auberge de jeunesse, avant d’être hébergé chez quelqu’un rencontré un samedi de manifestation. Un certain Bruno, gilet jaune, évidemment.

Lui, c’est Marco, 25 ans, Marseillais. A côté, un costaud agite sans répit un imposant drapeau français, couronné d’un bouquet de tulipes jaunes en plastique au bout de la hampe. Le jour commence à tomber derrière l’Arc de triomphe et ils ne sont encore qu’une vingtaine en gilets jaunes, des habitués arrivés de partout, mais se connaissant tous à force de défiler dans la capitale. Sur les téléphones, on se passe les photos des actions précédentes. Là, l’impact d’un Flash-Ball sur un mollet. Ici, une foule de bras levés sur fond de feu et de gaz lacrymogène. Une fille lance en vrille d’énervants coups de sifflets. L’un craque : « Tu nous casses la tête. » « Chacun fait ce qu’il veut, je suis libre. Réveillez-vous », elle dit. L’autre : « Il faut que tu acceptes qu’on te dise des choses. » Elle siffle plus fort.

La nouvelle année, c’est dans quelques heures sur les Champs-Elysées, le lieu où les touristes et les habitants d’Ile-de-France viennent traditionnellement la fêter, par centaine de milliers. Cette fois, plusieurs messages des « gilets jaunes » y avaient donné rendez-vous pour « une célébration festive et pacifique ». Entre chien et loup, l’avenue ressemble surtout à une veillée d’armes.

Sitôt le soleil couché, tout a fermé, très vite. Les ouvriers recouvrent de bois les dernières vitrines. « On a pris l’habitude », explique une vendeuse du Drugstore Publicis, une des premières enseignes à avoir volé en éclats au début du mouvement, le 17 novembre 2018. « Il faut dire qu’on n’a pas un président facile, toujours devant son écran, dans son petit monde. On dirait mon fils. » Quel âge a le fils ? « Douze ans », dit la vendeuse, très sérieuse. (...)