Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Huffington Post
J’ai été sauvé par l’Aide sociale à l’enfance, le documentaire de Zone Interdite ne représente pas mon vécu
Article mis en ligne le 1er février 2020

Je m’appelle Hamza Bensatem, j’ai vingt-deux ans, j’ai été placé à l’Aide Sociale à l’Enfance dans les Bouches-du-Rhône. Je suis originaire des quartiers nord de Marseille, ma mère est française et mon père est algérien. Je suis étudiant en coordination de projet.

J’ai quatre frères et une sœur. J’ai grandi principalement en foyer ainsi que mon petit frère (mais pas dans le même)

Très tôt, ma mère a rencontré de graves difficultés de santé qui l’ont empêchée de subvenir à mes besoins. J’ai été accompagné par l’ASE jusqu’à mes 21 ans, en contrat d’aide à jeune majeur.

Je suis depuis ma sortie de l’ASE Président de l’ADEPAPE des Bouches-du-Rhône (Association Départementale d’Entraide des Personnes Accueillies à la Protection de l’Enfance) depuis moins d’un an. (...)

Le lendemain du reportage, j’ai décidé de réagir avec d’autres jeunes anciens de l’ASE afin de donner nous aussi notre point de vue, car nous remarquons que certaines personnes parlent en notre nom sans aucune légitimité. Il est important pour nous de donner un discours différent de ce que l’on voit habituellement dans les médias. Nous remarquons qu’il s’agit souvent des mêmes personnes qui ont eu un parcours compliqué et qui en font une généralité. J’ai collecté ci-dessous entre guillemets certaines des réactions au documentaire des anciens de l’ASE. (...)

Sans nier les cas de mauvais traitements, le système de la protection de l’enfance est pointé du doigt sur ses défaillances et ses limites en termes de prise en charge.

Ce reportage tend à nous faire croire que la plupart des éducateurs sont cruels et maltraitants, alors qu’il ne s’agit sans doute que de quelques cas rarissimes en France. Cette généralité est injuste envers ce métier difficile qui mérite avant tout la reconnaissance. La majorité des jeunes que nous rencontrons à l’ADEPAPE sont satisfaits du travail et de l’investissement des éducateurs, qui font souvent plus que ce qu’on leur demande (nous contactent le soir, lorsqu’ils sont en repos…), ils sont souvent nos seuls repères et ils le savent.

De plus, nous avons constaté que les journalistes de M6 n’ont prêté ni regard ni aucun intérêt aux nombreuses réussites post-placement des enfants, comme si l’échec était l’unique issue. Or, ces succès de vie sont un exemple fort qui encourage les “ex-accueillis” sur le chemin de la réussite personnelle.

“Oui, il y a sûrement des erreurs, je n’en doute pas. Mais mettre en évidence les pires côtés sans jamais faire référence à ce qu’elle peut apporter, c’est nier une partie de sa réalité.”

“L’ASE a toujours été présente pour moi : par le biais de son chef, de ses psychologues, de ses assistantes sociales, de ses éducateurs, et surtout de ses assistants familiaux. Elle n’est pas parfaite. Elle ne lit pas dans les pensées. Elle agit avec les éléments en sa possession.” (...)

Le plus difficile pour moi, cela a été de partir à 18 ans. En effet, la pression est beaucoup plus présente en pleine année du baccalauréat, nous restons souvent dans l’incertitude d’être encore accompagnés. Par chance j’ai pu être accompagné jusqu’à 21 ans. J’ai pu à ma sortie du dispositif prendre mon appartement en autonomie et subvenir à mes besoins. Le Département m’a accompagné même dans l’aménagement de mon appartement.

Je trouve maladroits certains discours qui renvoient les jeunes de l’ASE vers le droit commun (les dispositifs sociaux pour tous). L’accès aux droits communs reste insuffisant car il se base sur l’idée que les jeunes ont dans le pire des cas leurs parents pour les épauler. Qu’en est-il de ceux pour qui ce n’est pas le cas ? (...)

Alors, que serais-je devenu sans l’ASE ? Peut-être un délinquant endurci, peut-être un fugueur éternel, je ne veux même pas savoir. L’ASE est imparfaite, mais c’est un bout de ma vie, elle est encore présente, elle m’accompagne à chaque pas. Elle fait de moi ce que je suis et elle aura probablement un rôle déterminant sur ce que je déciderai de devenir.