
Une opération de démolition a commencé lundi 27 septembre au matin, dans le quartier de Carobolé, à Koungou. À terme, 350 habitations seront détruites. Jusqu’ici, seuls 282 occupants ont été relogés, laissant à la rue plus de 1 000 personnes.
Objectif pour les autorités : "Permettre aux Mahorais d’habiter des logements dignes", a déclaré le préfet de l’île Thierry Suquet dans un communiqué. Un "impératif qui suppose de construire et nécessite de détruire", indique-t-il, même si "la destruction des bidonvilles n’est pas humainement facile à faire".
L’opération s’est soldée, dans le même temps, par l’arrestation de "plus d’une vingtaine d’étrangers en situation irrégulière", qui ont été "reconduits à la frontière", a fait savoir la préfecture. Selon l’Insee, 65% des étrangers vivant à Mayotte (et qui représentent près de 50% de la population) habitent ce type d’habitats précaires comme à Carobolé. (...)
En lieu et place du quartier en destruction, où vivaient donc des familles mahoraises dans le besoin mais aussi des personnes étrangères en situation régulière et des sans-papiers, seront construits 550 logements et des commerces. Depuis le début de l’année, 955 habitations similaires ont été détruites à Mayotte, dont 200 à Koungou en mars dernier. En trois jours, 230 "bangas", ces habitations de fortune, avaient été rasées dans le quartier de La Jamaïque.
"Ce genre d’opération a pris des proportions considérables cette année", déplore Dominique Ségard, déléguée pour l’Océan Indien au sein de la Cimade. D’après l’association, jusqu’ici, plus de 1 000 habitations ont été détruites durant des opérations similaires. "Ce qui correspond à la mise à la rue d’environ 5 000 personnes", affirme-t-elle. (...)
À Mayotte et en Guyane, une dérogation permet à l’administration d’ordonner les expulsions sans décision de justice. La préfecture est en revanche tenue de prévenir les occupants au minimum un mois avant l’opération, et de leur présenter une "proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence". (...)
D’après la préfecture de Mayotte, "des solutions d’hébergement temporaire adaptées à leur situation personnelle leur ont été proposées". Mais sur place, la "réalité est bien différente", tranche Dominique Ségard.
D’abord parce que seulement 282 personnes ont accepté les propositions de relogement des autorités, selon les chiffres de la préfecture. Si l’on prend en compte les calculs de l’Insee, qui estimait en 2017 que chaque habitation en tôle représentait 4,5 habitants, alors l’opération de démolition laisse près de 1 290 personnes sans toit au-dessus de la tête.
Ensuite parce que les logements proposés le sont à titre provisoire, pour seulement 21 jours. Ces habitations sont le plus souvent situées loin des institutions des écoles, des collèges et des lycées, "où il est très difficile d’avoir une place", explique Dominique Ségard. "Alors quand on l’a, on fait tout pour la garder. C’est pour cela que beaucoup ont refusé les propositions des autorités".
"De quoi dormir, et survivre, dans des conditions désastreuses"
Difficile également pour les habitants de Carobolé d’imaginer emménager dans le futur quartier, dont les premiers lots seront livrés au premier semestre 2022. Car s’il est prévu que le lotissement comporte des logements sociaux, ces derniers ne seront accessibles qu’aux Mahorais et aux détenteurs de cartes de résidents longue durée, alors que "la plupart des occupants expulsés possèdent une carte de séjour temporaire, valable un an". (...)
Dans l’impasse, beaucoup font le choix de reconstruire, sur un autre terrain, leur maison. Ce week-end, "beaucoup d’habitants en situation irrégulière ont démonté eux-mêmes leurs cases et récupérer les tôles pour pouvoir s’installer ailleurs", affirme un reportage du journal télévisé de Mayotte La Première. D’après le Journal de Mayotte, "certains optent pour le bord de mer, d’autres pour la forêt, dans des quartiers en construction aux conditions de vie et d’accès encore plus difficiles".
Interrogé par le média local, Raïssat, une habitante qui vit à Carobolé depuis près de 15 ans, "n’a pas eu d’autre choix", que de s’installer plus loin, avec sa famille. "Ça me fait peur, il n’y a pas d’eau, il y a des gens dangereux, s’inquiète la jeune femme. J’espère que je vais m’habituer". (...)