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« Étranges étrangers »
/par Un toit c’est un droit
Article mis en ligne le 24 mai 2013
Jeudi 16 mai, Dazibao se tenait au parc des Gayeulles, avec comme thème central la lutte contre les discriminations (dont l’homophobie). Concert d’artistes engagés, exposition du photographe Jeoffrey Guillemard sur l’errance des migrants sans domicile au cours de l’hiver à Rennes.
Le groupe Unité Maü Maü avait invité l’association « Un toit c’est un droit » pour une prise de parole sur scène. Nous avions convenu de rester dans le registre artistique : les enfants des squats sont montés sur scène pour dire le texte de Prévert « Étranges étrangers », adapté à la vie locale.
Étranges étrangers
Jacques Prévert
- Kabyles de Cleunay et des quais de la Vilaine
- hommes des pays loin
- cobayes des colonies
- Doux petits musiciens
- soleils adolescents du centre Italie
- Boumians du canal Saint Martin
- Apatrides du Colombier
- brûleurs des grandes ordures de la ville de Rennes
- ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
- au beau milieu des rues
- Tunisiens du Blosne
- embauchés débauchés
- manœuvres désœuvrés
- Caucasiens de Villejean de l’église Saint Marc
- Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
- pêcheurs des Baléares ou bien du Finisterre
- rescapés de Franco
- et déportés de France et de Navarre
- pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
- la liberté des autres
- Esclaves noirs de Fréjus
- tiraillés et parqués
- au bord d’une petite mer
- où peu vous vous baignez
- Esclaves noirs de Fréjus
- qui évoquez chaque soir
- dans les locaux disciplinaires
- avec une vieille boîte à cigares
- et quelques bouts de fil de fer
- tous les échos de vos villages
- tous les oiseaux de vos forêts
- et ne venez dans la capitale que pour fêter au pas cadencé
- la prise de la bastille le quatorze juillet
- Enfants du 115
- dépatriés expatriés et naturalisés
- Enfants indochinois
- jongleurs aux innocents couteaux
- qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
- de jolis dragons d’or faits de papier plié
- Enfants trop vite grandis et si vite en allés
- qui dormez aujourd’hui de retour au pays
- le visage dans la terre
- et des bombes incendiaires labourant vos rizières
- On vous a renvoyé
- la monnaie de vos papiers dorés
- on vous a retourné
- vos petits couteaux dans le dos
- Étranges étrangers
- Vous êtes de la ville
- vous êtes de sa vie
- même si mal en vivez
- même si vous en mourez.