Au moins 30 départements ont dû faire face à un manque de doses par rapport au nombre de rendez-vous attribués, selon le ministre de la Santé.
Tout ne s’est pas passé comme prévu. Une semaine après l’ouverture dans toute la France des centres de vaccination contre le Covid-19 destinés aux personnes de plus de 75 ans ou très vulnérables, certains centres ont été refermés. D’autres ont réduit leur planning d’ouverture. Des patients ont vu leur rendez-vous repoussé.
Parce que certains départements ont ouvert plus de centres que prévu
Cela devrait être une bonne nouvelle. La France a réussi à ouvrir beaucoup plus de centres de vaccination que les 600 espérés pour fin janvier. A une semaine de cette échéance, le territoire en compte finalement un millier. Problème : "Ce n’est pas parce que vous ouvrez plus de centres que vous avez plus de vaccins", rappelait Olivier Véran jeudi, lors d’une audition devant la commission des lois du Sénat, assurant qu’il avait parfois fallu procéder à une nouvelle répartition des doses entre les sites. Si les vaccins disponibles sont partagés entre plus de centres qu’attendu, certains d’entre eux doivent moins vacciner que prévu.
Si la logique mathématique est irréfutable, les causes de cette situation sont plus contestées. Pour le ministre de la Santé, c’est la faute d’élus locaux qui, disposant des locaux et du personnel nécessaire, auraient fait pression sur les préfectures pour être autorisés à ouvrir des centres. "C’est ainsi qu’on se retrouve, en lieu et place des six centres que j’avais exigés en moyenne dans les départements, avec certains départements qui comptent jusqu’à 33", conclut Olivier Véran. En pratique, certains en comptent même davantage.
Deux points viennent cependant mettre en doute cette explication. Sur le terrain, ce ne sont pas toujours les élus locaux qui sont à l’initiative des centres. Dans les Hauts-de-France, présentés comme un "cas critique" de ce problème par le ministre, un coup d’œil à la liste des centres sur Santé.fr montre qu’ils sont presque tous ouverts dans des hôpitaux, des cliniques et des maisons de santé. "Nous n’avons même pas été consultés par l’ARS", explique à franceinfo la mairie de Cambrai. Dans cette ville de 32 500 habitants où sont situés trois des 36 centres du département du Nord, le discours ministériel reste en travers de la gorge. "Dès qu’ils perdent un peu la face, ils se retournent vers les collectivités locales."
Ailleurs, l’initiative des centres gérés par les municipalités est souvent partagée : la mairie de Digne, préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, indique à franceinfo avoir été sollicitée par l’ARS pour ouvrir un centre, tandis que Sisteron, troisième ville du département, a dû plaider sa cause, avec succès, auprès de la préfecture.
Le chiffre de six centres par département évoqué par Olivier Véran recouvre aussi une réalité complexe. (...)
La préfecture de la Marne assure que le ministère lui a tenu un discours différent : "On nous a expliqué que c’était à notre main. Que si on pensait qu’il fallait faire plus, il ne fallait pas hésiter." La Marne compte finalement onze centres pour 560 000 habitants, auxquels s’ajoutent deux sites ouverts dans des territoires isolés, dont la mise en service est repoussée par manque de doses.
De son côté, l’ARS de Paca se félicite, dans un dossier de presse transmis à franceinfo, d’avoir mis en place un maillage "supérieur aux préconisations nationales" dans certains départements, dont les Alpes-de-Haute-Provence, qui comptent huit centres ouverts au grand public pour 160 000 habitants. "Ce nombre de centres limitera les déplacements des personnes âgées, a fortiori en période hivernale." Sur ce territoire montagneux, n’ouvrir qu’un centre pour 100 000 habitants semblait inenvisageable, explique la mairie de Sisteron. (...)
Une problématique que n’ignore pas Olivier Véran, qui a également revendiqué, devant le Sénat, d’avoir fait "le choix de la proximité", par rapport au modèle des "vaccinodromes" allemands.
Parce que les rendez-vous n’ont pas été pris en fonction du nombre de doses
C’est l’autre argument mis en avant par Olivier Véran au Sénat : le ministre de la Santé accuse trente départements de "surbooking". C’est-à-dire d’avoir proposé davantage de rendez-vous qu’ils n’avaient de doses disponibles, dans l’espoir d’en obtenir davantage.
Sur le terrain, les municipalités jointes par franceinfo assurent que dans leurs centres, aucun rendez-vous n’a été ouvert sans l’accord de la préfecture. (...)
Après ce raté initial, les différents acteurs placent leurs espoirs dans le fait de savoir à l’avance combien de doses ils doivent recevoir, ce qui n’était pas forcément le cas jusqu’ici. (...)
Parce que la France a reçu moins de flacons que prévu
Les différents acteurs le disent tous, quelles que soient les failles d’organisation qu’ils dénoncent : c’est entre l’ouverture de la prise de rendez-vous le vendredi 15 janvier, et celle de la vaccination, le lundi 18, que le manque de doses est devenu apparent. (...)
Un événement déterminant s’est déroulé dans cet intervalle : le 15 janvier, à la mi-journée, Pfizer, qui fabrique le vaccin le plus utilisé en France, annonce des retards dans ses livraisons de vaccins en Europe, à cause de travaux dans une usine en Belgique. (...)
"On nous a donc indiqué, le samedi 16 janvier, qu’il n’y aurait pas de réassort" la semaine suivant cette annonce, rapporte la préfecture de la Marne. Et pour celle d’après, c’est "une arrivée réduite de doses", qui est prévue. "Pour le moment, on distribue les doses qui nous restaient." C’est cette réduction des livraisons qui explique la "pénurie", assure la préfecture, et qui a nécessité de repousser des rendez-vous et de réduire les ouvertures de certains centres. Une situation qui nuance les désaccords sur le nombre de centres et de rendez-vous ouverts. "Il y a un contrat, les livraisons reviendront à la normale. Il faut passer le creux de la vague, mais les centres fermés rouvriront", prédit la préfecture.