
Nous publions un appel lancé par les signataires, membres du comité international de soutien aux libertés en Tunisie.
Le 18 avril dernier, Me Ahmed Souab, avocat, ancien magistrat, figure respectée du barreau tunisien, s’exprimait devant la Maison de l’avocat à Tunis. Ce jour-là, en robe, entouré de ses confrères et consœurs, il a osé dire ce que tout le monde sait et voit mais que beaucoup n’osent pas nommer :
« La justice est dans une situation de destruction massive, son état ressemble à celui de Gaza. Les couteaux ne sont pas sur les détenus mais sur le président de la Chambre qui va les juger ».
Des mots graves, pesés, portés par une conscience professionnelle et citoyenne que personne ne peut suspecter de légèreté ou de calcul. Des mots qui nomment et désignent une réalité insupportable : l’effondrement de l’indépendance judiciaire, la soumission des juges à des ordres politiques, une machine répressive lancée contre les opposant.e.s, les avocat.e.s, les journalistes, les défenseur.es des droits des personnes migrant.e.s, les militant.e.s.
Ces paroles – et ces seules paroles – ont suffi à faire de lui, aux yeux du régime, un « terroriste ».
Quelques jours plus tard, Me Ahmed Souab est arrêté, inculpé au titre de la loi antiterroriste n°2015-26, placé en détention préventive dans des conditions indignes. Le pouvoir tunisien n’a eu besoin ni de preuves, ni d’actes : il a criminalisé un discours, une prise de parole publique, un cri d’alarme.
Ce qui est en cause ici n’est pas seulement l’acharnement contre un homme — mais une attaque frontale contre la libre parole, contre le droit à la défense, contre l’idée même de justice indépendante. (...)
Il ne s’agit pas là d’un simple abus mais d’un point de non-retour que le régime s’apprête à franchir. Ne rien dire reviendrait à cautionner.
Ahmed Souab n’est pas seul. Il incarne aujourd’hui cette force lucide, courageuse, intègre, que le pouvoir tente de faire taire. (...)
Nous appelons :
- À la libération immédiate d’Ahmed Souab et à l’abandon de toutes les poursuites engagées contre lui ;
- À une mobilisation massive de la société civile, des syndicats, des avocats, des partis démocrates, des médias et des citoyen.ne.s contre la répression judiciaire en cours ;
À une dénonciation claire par les instances internationales, les partenaires diplomatiques et les ONG des droits humains, de l’instrumentalisation de la loi antiterroriste.