
Derrière la guerre dans la bande de Gaza, l’Etat hébreu soutient l’expansion de colonies illégales en Cisjordanie, un territoire palestinien occupé depuis 1967. Jusqu’à faire craindre son annexion pure et simple.
Depuis Jérusalem, Yigal Bronner a l’habitude de sillonner la vallée du Jourdain et la région de Masafer Yatta, en Cisjordanie occupée. Ce professeur d’université milite pour l’organisation israélo-palestinienne Taayoush, qui prône le vivre-ensemble, et documente l’expansion de colonies israéliennes et leurs effets, quotidiens, sur les Palestiniens de ces régions. Dans le village d’al-Muarajat, "une communauté [palestinienne] est partie", vendredi 4 juillet. Deux soirs plus tôt, des colons sont arrivés en groupe, volant des animaux et coupant des câbles reliés à une habitation, affirme l’activiste. "Les Palestiniens vivant dans la maison touchée ont fui. Les colons y ont volé des biens, de l’argent." Très vite, les autres familles ciblées ont suivi.
L’histoire se répète à travers la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967. (...)
Expansion des colonies, menaces et violences en hausse, déplacements forcés massifs... "Toutes ces politiques sont mises en œuvre", souligne Allegra Pacheco, l’une des responsables du Consortium de protection de la Cisjordanie, un réseau d’ONG internationales travaillant dans le territoire palestinien. Autant de stratégies qui "se produisent de plus en plus en même temps, et avec une intensité croissante. L’objectif est de chasser les Palestiniens de ce territoire."
Une ambition politique claire : "annexer la Cisjordanie"
A Tel-Aviv, plusieurs voix portent ouvertement cette volonté d’annexion. "2025, l’année de la souveraineté en Judée-Samarie", clamait en novembre le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, un colon d’extrême droite employant volontiers le nom biblique de la Cisjordanie. Plus récemment, le ministre de la Défense, Israël Katz, a envoyé "un message clair" à Emmanuel Macron "et à ses amis" : "Ils reconnaîtront un Etat palestinien sur le papier, et nous construirons ici l’Etat juif israélien". D’autres ministres du Likoud, formation politique de Benyamin Nétanyahou, ont poussé pour l’annexion de la Cisjordanie ce mois-ci, avant la suspension des travaux parlementaires.
"Il y a eu des déclarations selon lesquelles il n’y aurait pas d’Etat palestinien", relève Tahani Mustafa, chercheuse invitée au Conseil européen des relations internationales (ECFR). "On parle aussi clairement, de plus en plus, d’un grand Israël." "La stratégie de ce gouvernement est très claire et clamée haut et fort : l’objectif est d’annexer la Cisjordanie", soutient Yonatan Mizrachi, codirecteur du projet d’observation des colonies au sein de l’organisation israélienne Peace Now (La Paix maintenant).
Dans cette logique, les autorités israéliennes ont validé fin mai la formation de 22 colonies à travers la Cisjordanie, parmi lesquelles des avant-postes déjà établis par des colons. "Une décision historique", a salué Israël Katz, faisant fi des rappels de l’ONU sur l’illégalité de ces constructions au regard du droit international. En parallèle, l’Etat hébreu se lance dans un programme de cadastrage de la zone C, qui inclut plus de 60% du territoire palestinien. (...)
Des colons qui se rapprochent et un nombre record d’attaques (...)
Jusqu’à détourner le regard devant les violences de la colonisation ? En moyenne, trois Palestiniens ont été blessés par des colons chaque jour en juin, le bilan mensuel le plus élevé en vingt ans, rapporte le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha)(Nouvelle fenêtre). Ces dernières années, le nombre de Palestiniens tués par des colons ou des forces israéliennes a d’ailleurs bondi en Cisjordanie occupée. Entre janvier 2024 et mai 2025, 633 Palestiniens (et 31 Israéliens) sont morts dans ce territoire, selon l’Ocha(Nouvelle fenêtre). (...)
Des déplacements forcés "d’une ampleur inédite depuis 1967"
Au fil des avancées et des attaques de colons, de plus en plus de Palestiniens sont poussés à l’exil. (...)
Depuis janvier, l’organisation de défense des droits humains B’Tselem a également recensé près de 700 destructions dites "administratives" – ordonnées par Israël pour manque de permis de construire – et une vingtaine de destructions "punitives". Plus de 800 personnes ont ainsi perdu leur maison, précise l’organisation. (...)