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Orient XXI
Gaza. Le Hamas à la croisée des chemins
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza
Article mis en ligne le 1er mars 2025
dernière modification le 26 février 2025

Malgré ses divers courants, le Hamas a réussi à traverser près de quatre décennies sans connaître de divisions dans ses rangs. Mais la destruction de Gaza après le 7 octobre et les pertes importantes qu’il a subies rebattent les cartes, que ce soit entre le courant religieux et militaire, ou bien entre l’aile basée dans Gaza et celles des dirigeants de l’extérieur.

L’évolution de la situation sur la scène palestinienne rend l’analyse de l’actualité et des perspectives particulièrement difficile. Ce constat est partagé par le Hamas, qui se trouve aujourd’hui tiraillé entre deux aspirations : celle du retour des Frères musulmans et du projet turc dans la région, au vu de l’évolution de la situation en Syrie ; ou la poursuite — non sans difficulté — du projet de « l’axe de résistance » — que le mouvement a rejoint à nouveau après une période de froid avec l’Iran
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Si cet axe s’effondre complètement, le Hamas perdra alors sa capacité à poursuivre la lutte armée… s’il n’envisage pas déjà d’abandonner cette option.

Ce conflit interne rappelle le débat entre la branche palestinienne des Frères musulmans et Fethi Chikaki, fondateur de l’Organisation du Jihad islamique palestinien au début et au milieu des années 1980. Craignant la concurrence de ce dernier, le Hamas voit le jour avec le choix de la lutte armée dès sa création en 1987, pour devenir ainsi la dernière faction palestinienne à prendre les armes face à Israël. En moins d’un quart de siècle, il est devenu l’organisation la plus puissante à affronter Israël, jusqu’à mener une opération sans précédent dans l’histoire du conflit israélo-palestinien, voire israélo-arabe. (...)

pour comprendre le Hamas, il faut sortir du narratif classique qui oppose le courant turco-qatari au courant Iran-Hezbollah, car la réalité interne est bien plus complexe. Et le 7 octobre ainsi que la guerre destructrice menée par Israël sur Gaza n’ont fait qu’ajouter à la complexité de la situation, après les changements majeurs, survenus au sein du mouvement après 2017.

Un des changements essentiels a vu le jour à la suite du conflit entre le courant de prédication (da’wa), dont les partisans sont aujourd’hui désignés au sein du mouvement comme des « pragmatiques », et le courant militaire, que ses adhérents appellent le « courant radical ». (...)

Si l’aile militaire a fini par l’emporter ces dernières années, la destruction de Gaza après le 7 octobre et les pertes importantes au sein de la structure du Hamas ont tout remis en question. Dès lors, le courant de la da’wa a demandé qu’un bilan soit fait de l’expérience du mouvement jusque-là, et que des voies de survie soient envisagées pour le futur proche. Or, les idées émises par le président étatsunien Donald Trump ne leur laissent aucune marge de manœuvre. (...)

L’autre changement essentiel qu’a connu le Hamas après 2017 est celui relatif aux origines géographiques et régionales de son commandement. Celles-ci restent, pour les Palestiniens, déterminantes dans le choix des partenaires de vie ou d’affaires, et jusqu’à la direction politique. L’importance des origines n’est d’ailleurs pas spécifique au Hamas, mais touche toutes les factions palestiniennes. Ces dernières années, le conflit interne s’est intensifié autour du transfert du pouvoir des mains des dirigeants originaires de Cisjordanie ou de la diaspora vers celles des Gazaouis, après qu’Ismaïl Haniyeh est devenu le chef du bureau politique du Hamas et Yahya Sinouar, chef du mouvement à Gaza.

Or, selon des sources internes au Hamas basées à Gaza, Yahya Sinouar a œuvré, durant les trois dernières années précédant le 7 octobre, à faire sortir de la bande un grand nombre de cadres du mouvement, afin de briser le monopole décisionnel détenu par les anciens cadres. Ces Gazaouis représentent encore à ce jour un bloc parallèle qui empêche le Hamas de céder aux volontés d’un certain nombre de partenaires arabes. (...)

Pour l’heure, le Hamas se concentre davantage sur la question des otages et sur l’idée d’une sortie de guerre. Il repousse à plus tard les questions liées à son commandement, que ce soit au niveau interne palestinien (sous l’égide de Houssam Badrane), au niveau arabe (sous la direction d’Oussama Hamdane) ou au niveau des relations internationales, avec Moussa Abou Marzouk.

La période d’après-guerre devrait connaître une polarisation entre deux lignes. (...)

Un dirigeant du Hamas commente :

L’« axe de résistance » traverse sa période la plus difficile, et il y a un fort mécontentement quant à la gestion de la guerre contre Israël. Mais cette option reste moins risquée que celle de s’orienter complètement vers l’autre voie, celle du compromis. La Turquie agira selon ses intérêts sous protection américano-israélienne… Ce que nous craignons le plus, c’est la guerre interne au sein du Hamas et le conflit entre ses deux courants.

Il conclut :

Il faut donner la liberté à l’action politique et aux espaces dans lesquels Mechaal, les Turcs et d’autres évolueront, mais sans toucher à une seule balle de notre arsenal, car cela signifierait notre mort à tous.