Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
blogs du diplo
Vivre sous les bombes à Gaza
Jeudi 15 novembre. Claude Sarah Katz est démographe, retraitée du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), spécialiste en analyse de données à l’université Al Azhar de Gaza. Elle est actuellement envoyée spéciale du mensuel CQFD à Gaza.
Article mis en ligne le 17 novembre 2012

Hier, les forces armées israéliennes ont lancé une nouvelle vague de bombardements aériens et maritimes sur la bande de Gaza. Cela signifie qu’une population de 1,8 million de personnes, prisonnière — au sens plein du terme — dans une étroite bande de terre entre une « frontière » à la technologie hyper-sophistiquée et une mer patrouillée sans interruption par la marine de guerre, va subir aléatoirement la mort venue du ciel.

Combien ? Le grand hôpital de la ville de Gaza, Shifa, a accueilli toute la nuit la ronde des ambulances. Les informations circulent, essentiellement par Facebook, mais je ne peux vous faire un point maintenant : le quartier où je vis, et probablement une grande partie de la bande de Gaza, est sans électricité — donc sans routeur. Concernant les morts de l’après-midi d’hier et de la première partie de la nuit, on en compte une dizaine, ainsi qu’une centaine de blessés. Très mauvais signe, Israël a baptisé l’opération en cours « Pilier de défense » (« Pillar of Defence »). Veut-elle rééditer « Cast Lead » (« Plomb durci ») ? Souvenez-vous : 1 400 morts en quelques trois semaines, fin 2008-début 2009… (...)

Comment peut-on en arriver là ? Que les puissants qui nous gouvernent aient leur propre vision du partage du monde et de ses richesses, et que dans cette vision les populations soient une simple variable d’ajustement, soit. Mais la presse ? Les organisations populaires ? On arrive à ce déni de toute justice, ce déni du droit de vivre pour les Gazaouis, par une longue série de mensonges et de désinformation.

Cela commence et finit par le renvoi dos à dos, au mieux, des « protagonistes ». A titre d’exemple, le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, lequel exprime au premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ses « préoccupations devant la détérioration de la situation dans le sud d’Israël et dans la bande de Gaza, ce qui inclut (which includes) l’escalade alarmante des tirs indiscriminés de missiles et les assassinats ciblés par Israël de responsables militaires du Hamas » [1].

Ainsi, d’un côté, les terroristes palestiniens lancent des roquettes sur des objectifs « indiscriminés » — donc la population civile —, et de l’autre Israël, qui tue « proprement » un important chef militaire du Hamas. Au regard de la réalité du terrain, des bombes qui explosent autour de nous, des images affreuses d’enfants brûlés, c’est simplement ignoble — mais inattaquable en droit, grâce à l’astucieux « qui inclut ». (...)

Non, Gaza n’est pas un endroit qui pourrait être calme et vivable si des fous furieux ne s’acharnaient pas à lancer des roquettes sur le paisible Israël. Gaza suffoque avec un nœud coulant au cou. Aucune décision sur sa vie ne lui appartient. Toute la vie économique a été tuée par l’interdiction d’exporter. Gaza est une cage où une puissance étrangère décide de tout, la quantité des denrées qui entrent ou n’entrent pas, les lieux où les gens pourront rester en vie et ceux où ils seront abattus, le moment où ses chars entreront arroser quelques kilomètres carrés de leurs engins explosifs et les moments où on pourra avoir l’impression de vivre. Je suis à Gaza depuis treize jours, mes notes quotidiennes sont faites de corps déchiquetés, de parents à bout de pleurs et du silence des comas. La mort à Gaza est comme la colonisation en Cisjordanie : quel que soit l’état des négociations de paix, la colonisation avance au même rythme en Cisjordanie, et quel que soit l’état de la résistance, l’armée israélienne tue quotidiennement à Gaza. Cette phrase n’est pas une envolée rhétorique mais un constat statistique.

Chaque fois que la population de Gaza tente de relever la tête, le nœud coulant se serre un peu davantage [2]. (...)

se venger sur la population civile des actions de résistance. Ceci a un nom : punition collective. Et appartient, en droit international, à la catégorie crime de guerre.

Nous savons bien tous, ou croyons savoir, que résister est non seulement un droit, mais un devoir. (...)

Ceux dont nous nous rappelons avec affection et respect les actions, les résistants sur le sol français, étaient désignés alors comme terroristes, responsables de la « malheureuse » nécessité, pour l’armée d’occupation allemande, de procéder en représailles à des prises d’otages et à des exécutions sommaires. (...)

Ce qui a commencé hier, ce qui se poursuit aujourd’hui, c’est le bombardement de la population civile. (...)