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Victimes de scandales sanitaires : pour un réel fonds d’indemnisation
Article mis en ligne le 23 octobre 2019

Une dizaine d’organisations de victimes de scandales sanitaires, soutenues par des syndicats de l’industrie pharmaceutique et des associations travaillant sur le médicament comme bien public, appellent, dans le cadre des débats sur le financement de la Sécurité sociale, à un fonds d’indemnisation réactif et respectueux des personnes. Son financement est possible.

Nos associations ont toutes en commun de regrouper des victimes d’accidents graves de médicaments – reconnus dans certains cas comme « aléas », car la balance bénéfice/risque est jugée positive ; d’autres fois comme « scandales sanitaires », où le maintien du médicament ou produit de santé relève de la faute.

Les « patients-victimes », qui passent souvent par une période plus ou moins longue d’errance médicale, doivent alors se battre, vaincre leur isolement, obtenir la reconnaissance de sa réalité par l’institution médicale ainsi que des politiques, très enclins à relativiser la situation et à discréditer la parole des premiers concernés. Ces victimes doivent aussi lutter pour que l’on recherche les causes de ces accidents, que l’on fasse cesser au plus vite l’exposition de nouveaux patients à des thérapeutiques censées nous soigner mais susceptibles de nous rendre malades, voire de tuer. Et enfin, que l’on détermine les responsabilités, que l’on indemnise les victimes et que l’on sanctionne les coupables. L’indemnisation est en soi, une épreuve : il faut d’abord constituer son dossier médical, puis le confier à un avocat pour étude et passer une expertise payante. Pour les femmes, victimes "d’Essure®", un dispositif de stérilisation tubaire, cela revient à une provision de 3.000 euros en moyenne pour accéder à une expertise médicale.

Lorsque l’accident est considéré comme un aléa, c’est l’ONIAM qui est censé indemniser les victimes pour des montants insultants et en faisant barrage aux victimes. Ainsi, moins de 3% des victimes des syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson sont indemnisées alors que 80% ont une cause médicamenteuse avérée.

La répétition de tels scandales sanitaires et des mêmes dysfonctionnements le prouve : l’ensemble du système reste défaillant. (...)

C’est la conscience qu’au-delà de chaque « affaire » spécifique les problématiques sont les mêmes qui nous a conduit à nous unir pour réclamer un nouveau système. (...)

La privatisation croissante de la santé et du médicament a eu pour effet une explosion des prix, que notre système de santé ne peut plus soutenir. En 2014, les nouveaux traitements de l’hépatite C ont été mis sur le marché autour de 50 000 €. L’achat par l’Assurance maladie de ce traitement pour l’ensemble des personnes touchées par l’hépatite C en France en 2014 aurait représenté 13 milliards d’€, soit presque deux fois le budget total de l’AP-HP en 2014 (7 milliards d’euros) !

La multiplication des scandales sanitaires montre que cette privatisation n’a pas amélioré la sécurité sanitaire, au contraire. (...)

Et comment accepter les profits exorbitants des actionnaires de l’industrie pharmaceutique quand leur logique de rentabilité nous met en danger, et quand ils refusent de nous reconnaitre comme victimes ?

Servier exige que l’Etat rembourse 30 % des indemnités que le laboratoire a commencé à verser aux victimes du Mediator. Sanofi refuse d’indemniser les victimes de la Dépakine. Pourtant, Sanofi, en 2017, c’est 8,3 milliards d’€ de bénéfices et 4,6 de dividendes. Depuis 10 ans, Sanofi, comme tant d’autres industries qui justifient les prix par les risques financiers qu’elle prend, reçoit entre 110 et 150 millions d’euros par an d’aides publiques via le crédit d’impôt, sans compter les autres financements publics qu’elle reçoit.

En tenant son engagement à l’AMS, la France permettrait de documenter la légitimité des prix des médicaments. (...)

Cela sera possible si nous sortons la santé des logiques marchandes qui nous tuent. (...)