Depuis 2012, on ne compte plus les projets d’extraction minière en France. Liftée façon greenwashing, la mine dite « responsable » n’aurait plus rien à voir avec un sombre tableau à la Émile Zola. Petit tour d’horizon de cette nouvelle fièvre qui promet de désastreux coups de grisou.
« C’est pas très gai, les mines », ironise Goulven. Une petite demi-heure qu’on tient la tchatche par téléphone. Goulven fait partie du collectif anti-mine Douar Didoull, dans les Côtes-d’Armor [1]. En 2015, les militants n’ont pas arrêté : porte-à-porte, réunions, rando-manifestations. Un beau point d’orgue le 14 novembre 2015 à Landivisiau (Finistère), où un millier de manifestants battaient le pavé pour dénoncer les projets délirants en train de saccager la Bretagne : centrale au gaz, méthaniseur, aéroport, extraction de sable… et projets miniers ! Quand il cause mines, Goulven parle d’« État dans l’État » tant les procédures sont opaques. (...)
Par Etienne Savoye. JPEG
Marc habite Lussat depuis 1995, dans le nord-est de la Creuse. Quand il cause, on dirait un expert, tellement il connaît sa partition. Le projet de mine aurifère de Villeranges, ce membre du collectif StopMines23 en a entendu parler par hasard : « J’ai appris la nouvelle du PERM (permis exclusif de recherche de mines) par des voisins, fin novembre 2013, alors que l’enquête publique avait eu lieu en août 2013. Le maire n’en a pas parlé. Tout s’est fait en catimini, dans la confidence. » La farce ne s’arrête pas là : la zone actuellement cartographiée par la société Cominor n’est pas vierge de toute recherche. (...)
mais aujourd’hui, les mines sont aussi propres qu’un bloc opératoire. Elles sont même « responsables », nous dit la pub. « Cette histoire de mine responsable, c’est du marketing. Le projet est une mine à ciel ouvert d’au moins 50 mètres de profondeur. La roche du sous-sol est truffée d’arsenic : on sort quatre grammes d’or pour un kilo d’arsenic. Des millions de tonnes de roche arséniée vont nous rester sur les bras. Quand il pleut sur l’arsenic, ça pisse partout et vu l’altitude où on est, toute notre vallée va être polluée. La Cominor ne va pas ramener ses déchets à son siège social au Luxembourg, ni au Canada, où est sa maison-mère. »
Cominor en Creuse, Variscan Mines en Bretagne, les deux sociétés minières sont dites juniors – en opposition aux majors, grosses sociétés d’exploitation – car spécialisées dans l’exploration des sous-sols. Elles font leur miel grâce à l’art de la magouille spéculative. (...)
Dans l’Hexagone, ce ne sont pas moins de huit PERM qui sont en cours de prospection. Huit autres demandes ont été déposées et attendent l’aval des autorités. « Deux facteurs peuvent expliquer la relance des recherches de métaux en France : la hausse des prix, malgré une petite baisse aujourd’hui, qui restent à des niveaux intéressants pour continuer les travaux d’exploration, et l’intérêt croissant pour les coproduits ou sous-produits, des petits métaux (antimoine, cadmium, germanium, baryum, etc.) associés à des métaux principaux particulièrement recherchés par l’industrie électronique et les nouvelles technologies vertes » (...)
« Tout le monde est concerné par l’extension des frontières extractives. Que ce soit pour la grande industrie, un projet minier ou pétrolier, les logiques de destruction de la nature sont les mêmes. Pour obtenir ces matières, on détruit des territoires, des écosystèmes et des possibilités de vie », résume Anna Bednik. Avec ce topo, on en oublierait presque la carotte hollandaise : les emplois ! (...)
Dans les Côtes-d’Armor, Variscan Mines a fini par avouer qu’aucun job n’était à la clé. Y a pas que les forages qui atteignent des profondeurs abyssales, le foutage de gueule aussi.