(...) Jean-Luc Mélenchon élu, la France sort de l’OTAN. A quelle échéance ?
Nous le voyons comme un processus long, qui sera initié dès le début du quinquennat pour s’achever à l’horizon 2022. Dès le 25 mai à Bruxelles, lors du sommet des dirigeants des pays-membres, Jean-Luc Mélenchon annoncera la sortie du commandement intégré de l’OTAN, et la fin de la participation de la France au bouclier antimissile - c’est une faute grave de la part de François Hollande de l’avoir signée en 2012. Militairement, l’OTAN se justifiait quand le pacte de Varsovie était en vigueur. Mais aujourd’hui ? Qui est l’ennemi ?
Lorsque j’ai rencontré Jean-Luc Mélenchon en 2009, il était déjà sur une ligne d’indépendance de la France, d’inspiration mitterrando-gaulliste. La souveraineté, qu’est-ce que c’est ? C’est le fait que la France décide en propre de sa géopolitique. J’ai participé aux opérations extérieures en Afghanistan en 2006. Qu’y faisait la France ? Quel était son intérêt ? Certainement pas économique, et certainement pas la guerre contre le terrorisme. C’était un suivisme pur et simple de l’OTAN. Nos soldats y sont morts, on se demande encore pourquoi. (...)
Vous prévoyez aussi de sortir du FMI et de l’OMC.
Ces deux institutions détruisent la coopération internationale. L’OMC en organisant le libre échange, le FMI en accordant des prêts contre des politiques d’ajustement structurel qui ruinent les économies des pays en développement (...)
Qu’en est-il de l’adhésion de la France à l’Alliance bolivarienne, le fameux point 62 du programme de Jean-Luc Mélenchon qui suscite tant de remous depuis deux jours ?
Clémentine Autain a été piégée, puisque ce n’est pas elle qui suit les questions internationales. Pour rappel, la France fait partie intégrante du continent américain, via la Guyane et les Antilles. Il est donc naturel de rechercher des partenariats économiques avec nos voisins sud-américains. L’Alliance bolivarienne pour les Amériques a été fondée pour résister à la doctrine Monroe, à la domination des Etats-Unis sur l’Amérique latine, et sur une certaine vision du partage des richesses.
Sur le fait que l’Iran ou la Russie soient observateurs, je ne vois pas le rapport. Il ne s’agit pas d’une alliance militaire. Nous ne voulons faire partie d’aucune alliance militaire pérenne. La France ne rejoindra pas un "axe". Culturellement, commercialement, les Etats-Unis sont un partenaire important de la France. Et nous ne soutenons pas Poutine, et encore moins une république islamique ! (...)
Comment expliquez-vous alors que Jean-Luc Mélenchon soit vu comme un candidat pro-Poutine ?
C’est la propagande habituelle... Nous prônons aussi un rapprochement méditerranéen, et personne ne nous accuse de soutenir les régimes de Bouteflika ou Mohamed VI ! Sur Poutine, nous faisons une distinction nette entre sa politique intérieure et sa politique extérieure. C’est un nationaliste russe et un libéral. Vous ne trouverez jamais chez nous un soutien à son parti Russie unie, à sa vision de la redistribution des richesses. Pour avoir vécu en Russie, je sais que le code du travail est un paradis pour le Medef local. (...)
Nous cultivons plutôt des contacts avec le Front de gauche russe - qui n’est pas le Parti communiste - et à son leader Sergueï Oudaltsov, aujourd’hui en prison et dont les médias ne parlent jamais, préférant mettre en avant les atlantistes comme Alexeï Navalny. (...)
Reste qu’en Syrie, vous avez soutenu contre vents et marées la position russe face à la position américaine.
Nous sommes toujours pour les solutions négociées et les Etats-Unis viennent de mettre par terre les efforts des négociations de Genève. L’ONU reste la seule instance internationale légitime pour le règlement des conflits. Nous nous fondons sur l’expérience de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Libye : bombarder le pouvoir en place n’apporte rien, sinon plus de chaos. (...)
Ce qui ne change pas, c’est que Bachar, comme d’autres dictateurs, doit être traîné devant la Cour pénale internationale. (...)
On nous accuse de soutenir Bachar. C’est la paille et la poutre. Nous nous étonnons de ce regain de morale qui s’empare de nos adversaires, alors que la Françafrique continue, et pas de la façon la plus jolie qui soit. François Hollande a soutenu la réélection de Bongo, le référendum de Sassou-Nguesso, la tentative de Compaoré de se maintenir. Au Yémen, l’Arabie saoudite achète des avions français pour larguer des missiles français et tuer une population à plus grande échelle encore qu’en Syrie. Le crime contre l’humanité y est quotidien. Il suffirait de trois jours d’images de ce qui se passe là-bas dans les médias pour créer une prise de conscience. (...)