Douze chroniques radiophoniques dévoilent, au gré d’un style sémillant, comment religion et politique, par leur mentir-vrai, disent la crudité de la condition humaine.
« Homère est nouveau ce matin et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui ». Les mots de Péguy donnent à sentir l’audace d’Allons aux faits. Ces douze causeries radiophoniques, mi-historiques, mi-religieuses, sont tout autant de considérations inactuelles, tant Régis Debray partage, avec le penseur de Röcken, le goût de l’intempestif. « France Culture m’a permis de résumer et clarifier, en termes simples, les travaux un peu compliqués que je mène depuis quelques décennies sur nos affaires temporelles et spirituelles ». Il n’est pas inutile de rappeler qui est ce « je » qui s’efface derrière le savoir : l’agrégé de philosophie et fondateur de la médiologie connaît son affaire théorique, tandis que l’ancien conseiller de François Mitterrand, rompu aux affaires mondaines, sait le concret du monde, le dit avec un verbe envolé, dépris de toute léthargie jargonnante. (...)
Ce qui intéresse Debray dans l’existence humaine, c’est son essence archaïque, sinon animale : « notre ère numérique doit s’accommoder d’usagers dotés d’un appareil physiologique qui a cinquante mille ans ». De là procède une double méfiance : d’une part pour l’actualité - « la politique nous cache le politique » -, d’autre part pour l’histoire. Or, « le propre de l’inconscient est de n’avoir pas d’histoire ». Pour ce faire, le dégonfleur de baudruches critique les nuées philosophiques, sans renier le conceptuel, et donne de la voix à la science. (...)