(...) Dans cet essai, le philosophe Baptiste Morizot part de son expérience de terrain comme pisteur de loups dans les montagnes françaises [ici, Vercors et Pyrénées] pour développer sa pensée philosophique, nous incitant à revoir notre manière d’être au monde, en relation avec les autres êtres vivants.
Ce que j’en ai pensé ?!
Il va m’être difficile de rendre justice à cet essai passionnant qui m’a véritablement subjuguée !
Tout d’abord, j’ai été charmée par la plume de Baptiste Morizot et son véritable talent de conteur. Comme Cyril Dion, qui disait que nous avons besoin de créer de nouveaux récits pour faire évoluer notre société vers un monde plus durable, il a compris que nous n’avons pas uniquement besoin de chiffres pour comprendre la nécessité de revoir notre manière d’être au monde. Nous avons surtout besoin de récits qui nous ferons vibrer et nous permettront de nous sentir en empathie avec les autres vivants humains et non humains et nous aideront à imaginer d’autres futurs possibles. Ces récits, il nous les offre à travers son témoignage de pisteur : il nous invite à prendre place dans cet univers inconnu pour la plupart d’entre nous, qui est celui de la montagne, et à suivre avec lui les traces du loup. A la lecture de cet essai, on ressent le froid piquant des nuits d’hiver mais aussi l’exaltation d’obtenir une réponse, quand le loup hurle en retour du cri des pisteurs. Les descriptions de la nature environnante ainsi que les relations entre les acteurs et actrices [loups, chiens, brebis, humains] sont empreintes d’une grande poésie.
Le mystère d’un corps, un corps qui interprète et vit sa vie, est partagé par tout le vivant : c’est la condition vitale universelle, et c’est elle qui mérite d’appeler le sentiment d’appartenance le plus puissant.
Ensuite, il faut relever la pertinence de la philosophie proposée par l’auteur : il nous appelle à repenser la place que l’humain se donne dans la hiérarchie des espèces. En effet, nous nous qualifions actuellement comme l’espèce la plus évoluée sur base de critères que nous avons nous-mêmes établis [pas très objectif tout ça…]. Mais serait-ce toujours le cas si nous choisissions d’autres critères ? Serait-ce toujours le cas dans quelques dizaines/centaines d’années ? Car un autre problème soulevé ici est que notre mode de vie provoque l’extinction de nombreuses espèces sans que cela ne nous préoccupe vraiment puisque nous les considérons comme inférieures… Mais que se passerait-il si nous leur laissions le temps d’évoluer ? Peut-être nous dépasseraient-elles ?
La sixième extinction contemporaine ne revient pas seulement à brûler la bibliothèque de l’évolution, et tous les ouvrages du passé, elle revient à brûler avec eux les poètes. Les poètes à venir : c’est-à-dire la possibilité pour chaque forme de vie d’en produire d’autres aux aptitudes, aux arts vitaux, aux pouvoirs encore inconnus.
L’auteur démontre également que des formes d’intelligence ont émergé de tout temps dans le cours de l’évolution et que la nôtre n’est qu’une parmi d’autres… (...)
"La philosophie m’a fasciné parce que j’avais un sentiment de désorientation à l’égard de l’existence. J’ai pressenti tôt que la philosophie pouvait constituer une carte. C’est-à-dire qu’elle a pour vocation de nous orienter dans un monde compliqué." #BaptisteMorizot @franceinter pic.twitter.com/DbM5z9Kh2i
— Boomerang (@BoomerangInter) October 8, 2020
