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Les oiseaux de Roissy
par Alinea lundi 11 mars 2013
Article mis en ligne le 11 mars 2013

« Le 27 février, un voyageur surpris à Roissy avec une soixantaine d’oiseaux interdits de commercialisation est reparti libre, et les oiseaux, abandonnés à l’aéroport, sont morts de faim... ».

J’ai envie de m’arrêter là.

Quelques minutes de silence, hein, pour bien digérer l’info.

Vous me direz, tout va si mal dans le monde qu’on n’en est pas à trois piafs près ! Certes.

(...) Les grands de ce monde se réunissent à Bangkok ; très bien. Mais ce ne sont pas des chevaliers : des pressions pèsent sur eux : il y a des tas de gens qui vivent de ces trafics ( ne cherchez pas si on pourrait faire autrement dans les pays « du sud », c’est comme ça et la faute à pas de chance) ; les gouvernements qui ne souhaitent pas priver une partie de leur population d’un revenu ( ne cherchez pas s’ils pourraient faire autrement dans leurs pays « du sud », c’est comme ça et notre faute).

Cependant, il faut bien reconnaître que les grands cherchent ; ils se grattent la tête, réfléchissent, font appel à des experts, des philosophes, des économistes ; mais ils ne trouvent pas : comment les gens du sud, qui sont si nombreux, pourraient-ils manger à leur faim sans ce trafic ? C’est impossible, et pourquoi les plus malins et les plus courageux d’entre eux ne pourraient-ils pas rouler en 4X4 ? Ça serait trop injuste ; et les grands sont des justes. Tout cela leur est intolérable.

Les petits cueilleurs, les petits braconniers ; c’est fou comme ces gens-là ont du pouvoir soudain ; ici les travailleurs se bagarrent pour garder un boulot utile à tous mais ils n’arrivent à rien ; là-bas, les braconniers font la loi. Les ouvriers de Goodyear et les autres devraient peut-être copier sur eux. (...)

La stupéfaction de l’animal piégé dans un enfer de verre de métal et de bruit, sa faim, son impuissance

Oh belle indifférence de nos concitoyens que leur importance aveugle ; oh, belle armée d’obéissants qui n’ont plus en eux la possibilité du geste singulier qui sauve .

J’étais, il y a peu, à la Part-Dieu à Lyon et pendant l’heure que j’attendais mon train en retard, j’ai vu défiler des centaines, des milliers d’ombres. J’étais posée au milieu comme un encombrement gênant des trajectoires ; je guettais un regard, un visage, une lueur de malice de bonheur, un sourire et je n’en ai pas vu  ; visages tendus sur le tracé connu d’un chemin qu’il faut faire vite, prisonnière d’une cage j’aurais pu y mourir sans témoins. Tant d’humains tout à coup, dans mon ordinaire solitaire, je n’en pensais rien, abasourdie. Le moindre événement aurait été fatal à cette foule d’absents ; même les chiens se reniflent qui ne se connaissent pas !

L’homme a bâti son enfer, pierre par pierre, et en le bâtissant s’est rendu apte à y vivre. Venu de l’extérieur, d’un lointain sauvage dans un corps fragile, il mourra et cela n’aura d’importance pour personne.

Ils se sont affolés, ils ont couru, ils ont cherché et n’ont trouvé personne qui savait ce qu’ils mangeaient (...)

C’est une femme de ménage qui les a trouvés le matin, inertes ; elle s’en est émue. Ils étaient morts ensemble et pourtant ils ne se connaissaient pas ; ils avaient juste partagé le temps de leur agonie. Des jours. Elle a trouvé un sac , les a fourrés dedans et ne sachant que faire, l’a déposé dans une poubelle.

Le passeur a été retenu quelques minutes dans les bureaux ; personne n’a su qu’en faire et il est reparti.

Le trafic est juteux, estimé par la WWF à quelque quinze milliards d’euros. Mais le 10 mars, demain, hier, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction se terminera à Bangkok.

Quant aux espèces non protégées, on en fait ce qu’on veut. Mais c’est vrai que leur marché, légal, est moins lucratif et sûrement moins héroïque aussi. (...)