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La vie des idées
Les métiers de la propreté
#nettoyage #inegalites
Article mis en ligne le 27 juin 2023

Mal rémunérés, mal considérés, contraignants, pénibles : les métiers du nettoyage cumulent les injustices. Et pourtant ils sont essentiels : le ménage est un soin, l’entretien est un geste écologique.

La Vie des idées : « Travailleurs et travailleuses du nettoyage » : que désigne cette appellation ?

François-Xavier Devetter & Julie Valentin : Les travailleurs et travailleuses du nettoyage ne correspondent pas à une catégorie établie. Il s’agit, pour nous, d’un regroupement de professions pour lesquelles la fonction que les salarié.e.s déclarent le plus fréquemment est « nettoyage, entretien ménager, gardiennage ». C’est donc un ensemble de professions pour lesquelles « nettoyer pour autrui » est une part importante des tâches réalisées : les employées de maison, les aides à domicile, les nettoyeurs (externalisés ou non), les employés d’étage de l’hôtellerie et enfin les différentes catégories d’agents de service de la fonction publique. Cela représente aujourd’hui au total deux millions de salariés. Le choix de ce regroupement tient à la place bien particulière du nettoyage dans notre société, étant donné la manière dont cette activité est perçue. (...)

Mais cet ensemble est hétérogène : les lieux nettoyés sont divers (domiciles, écoles, hôpitaux, bureaux, commerces, …) tout comme les usagers des locaux ainsi entretenus (personnes âgées, actifs, élèves, salariés, …). De même les travailleurs et travailleuses du nettoyage relèvent de statuts divers : certains sont fonctionnaires, d’autres salariés d’entreprises privées ou d’association, une partie est employée par des entreprises de nettoyage et certains le sont directement par des particuliers. Ce n’est donc pas un groupe uniforme et pourtant ces salariés partagent de nombreux points communs : ce qu’ils produisent est souvent invisibilisé, la qualification qui leur est reconnue est faible, leurs salaires sont bas et leur activité est marquée par de nombreuses pénibilités.

Il faut ajouter que ce sont des métiers particulièrement touchés par les accidents du travail et les maladies professionnelles. (...)

quand on observe l’organisation réelle et concrète de ces activités, les compétences requises sont multiples. Les gestes à effectuer, l’utilisation des produits ou encore la capacité à planifier et à organiser les tâches supposent que l’on maîtrise certains savoirs techniques précis. Ces compétences sont nécessaires non seulement pour effectuer un service de qualité mais également pour pouvoir tenir au travail. Sans ces connaissances, le métier devient vite épuisant, blessant et tout simplement non soutenable. Il y a ensuite des compétences relationnelles plus ou moins importantes selon le cadre dans lequel le nettoyage est réalisé. (...)

Plus généralement, on constate que lorsque ces tâches sont confiées à des prestataires externes, le travail tend à se spécialiser et s’appauvrir. Non seulement sa complexité est encore plus invisibilisée (ne serait-ce qu’en raison du recours à des horaires décalés) mais les tâches sont souvent effectivement déqualifiées (...)

La Vie des idées : Qu’est-ce que ces travailleurs et travailleuses disent du monde du travail actuel ?

François-Xavier Devetter & Julie Valentin : S’intéresser aux travailleurs et travailleuses du nettoyage est effectivement un moyen de s’attacher à des problèmes généraux qui affectent le monde du travail actuel. Les salariés de ce secteur connaissent des difficultés prononcées qui illustrent voire expliquent des phénomènes qui touchent l’ensemble de la société. C’est ainsi le cas de la question de la pauvreté : plus du tiers des travailleurs pauvres appartiennent à ces emplois. C’est le cas également des inégalités salariales entre femmes et hommes : à lui seul ce segment, qui concentre les plus basses rémunérations et une très grande majorité de femmes, explique une part conséquente des différences salariales. La place des travailleurs et travailleuses immigré.e.s est un autre exemple. (...)