Au sud de la Guyane, au cœur de la forêt amazonienne, la multinationale canadienne Colombus Gold salive sur le site de la Montagne d’or. Jusqu’ici, l’État français tempérait les ardeurs des lobbies miniers, mais face à la crise… Et avec un prés’ de la Rép’ business-friendly… Faut voir.
Caché derrière ses lunettes noires, le téléphone à portée de main, un représentant du secteur aurifère exprime avec enthousiasme sa vision d’avenir : « Aujourd’hui on représente 4% du PIB guyanais. Avant l’arrivée de Colombus, on avait calculé qu’avec une centaine d’artisans, quatre ou cinq PME et une multinationale, on montait à 16%. C’est pour ça que nous voulons faire de la mine le premier secteur économique de Guyane. On peut y arriver en moins de dix ans. Et avec deux multinationales, aujourd’hui, c’est encore mieux ! » Le projet laisse rêveur. Composé à plus de 90% de forêts et miné durablement par sa dépendance à l’État français, le territoire ultramarin se laisse séduire par les promesses d’un développement rapide et agressif venues du secteur privé. Une tendance soutenue par la métropole.
Dès 2015, alors ministre de l’Économie, le futur président Macron s’était rendu sur le site de la Montagne d’or pour afficher sa sympathie pour le projet de la Colombus Gold. (...)
Qualifiée de « plus grand projet aurifère jamais imaginé sur le sol français [3] », avec son permis de 190 km2 et sa fosse d’extraction de 400 mètres de profondeur, la concession permettrait d’extraire plus de 150 tonnes d’or dans les dix prochaines années : un pactole évalué à plusieurs milliards de dollars. Sur un territoire en crise, l’industriel canadien promet la création de quelques centaines d’emplois directs et indirects. Une offre que les gouvernants, locaux et nationaux, ne pourraient refuser…
Les expériences sud-américaines et africaines prouvent que le secteur minier ne participe jamais au développement local. Tant pis pour les ravages écologiques et sociaux qu’il engendre : dans la langue de bois technocratique, le projet de la Montagne d’or se présente en fer de lance d’une exploitation « durable et responsable ». Pourtant, même si l’on oublie les faibles retombées fiscales et la promesse d’emplois précaires et dangereux, ce projet menace également le peu d’autonomie dont jouit la Guyane. À la dépendance du département vis-à-vis de la métropole s’ajoutera bientôt celle du territoire face aux multinationales financiarisées. Que deviendra le petit millier d’emplois créés à la fin de la période de concession ? D’autant qu’une chute du cours de l’or, très volatil, pourrait pousser le sauveur canadien vers une sortie anticipée.
Enfin un libéralisme décomplexé !
Un temps, l’État avait fait mine de rêver que le département soit une terre de développement durable. La création en 2007 d’un immense parc national recouvrant le tiers sud du territoire allait témoigner des ambitions françaises en Amazonie. En 2008, Nicolas Sarkozy, empêtré dans le Grenelle de l’Environnement, avait refusé une demande de concession du groupe Iamgold, sous la pression d’une partie de la population. Cela avait vécu comme un véritable camouflet par les professionnels du secteur et la majorité des élus locaux. Les aventuriers du développement ont depuis revu leur copie.
Conscients de l’impuissance de l’État face à l’orpaillage illégal [4], les soutiens de l’exploitation minière ont développé un sophisme douteux. Pour enrayer le pillage du sous-sol et mieux sécuriser le territoire « tout en le développant », il suffirait de remplacer les sites illégaux par des opérateurs légaux ! Les interactions, voire les connivences entre le légal et l’illégal ne sont pourtant un secret pour personne. (...)