Depuis quelques mois, les entreprises énergétiques françaises ont commencé à importer en toute discrétion du gaz naturel liquéfié en provenance des États-Unis - autrement dit du gaz de schiste. Un paradoxe, alors que la France a interdit l’exploitation de cette ressource sur son territoire. L’importation massive de gaz de schiste américain en Europe n’est une bonne nouvelle ni pour ceux qui subissent les conséquences de cette industrie de l’autre côté de l’Atlantique, ni pour le climat.
Les importations de gaz de schiste américain ont effectivement commencé à l’automne 2018, selon les données rendues publiques par l’agence étatsunienne d’information sur l’énergie. Et cela ne fait que commencer. Le navire méthanier Provalys, revendu l’année dernière par Engie à Total, devait accoster cette semaine au port de Montoir, à proximité de Saint-Nazaire, en provenance du terminal d’exportation de gaz de Sabine Pass. Celui-ci, situé à la frontière entre la Louisiane et le Texas, appartient à la firme américaine Cheniere. Le Provalys semble avoir changé de cap depuis la première publication de cet article (voir précisions ci-dessous).
Elengy, filiale d’Engie qui gère le terminal méthanier de Montoir (et deux terminaux similaires à Fos-sur-Mer), nous a confirmé que « le gaz naturel américain est importé en Europe depuis 2017 et directement en France depuis fin 2018 ». Tout en ajoutant que « le nom des importateurs et le détail des cargaisons sont des informations commercialement sensibles que nous ne sommes pas autorisés à divulguer ». Même invocation du secret commercial du côté du quatrième et dernier terminal méthanier française, celui construit par EDF à Dunkerque, récemment revendu à l’opérateur belge Fluxys. (...)
Contrats d’approvisionnement signés... au moment de la COP21
En 2015, juste avant la Conférence de Paris sur le climat, Engie et EDF avaient signé des accords d’approvisionnement avec Cheniere, pionnière de l’exportation du gaz de schiste américain avec les terminaux de Sabine Pass et de Corpus Christi (...)
L’essor du gaz de schiste aux États-Unis, un pays qui était auparavant un importateur net, a créé une situation de surproduction et une baisse des prix. Les industriels étatsuniens ont donc rapidement tourné leurs regards vers les marchés d’exportation. (...)
Le gaz est souvent présenté par les industriels comme une source d’énergie plus « propre » que le pétrole ou le charbon, et donc plutôt bénéfique pour la transition énergétique. Un discours porté en France par Engie et Total. En réalité, si l’on tient compte de l’ensemble de la filière et notamment des émissions fugitives de méthane, un gaz à effet de serre plus puissant que le CO2, le gaz est tout aussi nuisible pour le climat que les autres hydrocarbures, voire davantage (lire notre article). De ce point de vue aussi, l’arrivée massive de gaz américain en France et en Europe n’est pas une bonne nouvelle.
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