
Millénaires, les liens qui unissent la Chine et le charbon constituent, à l’orée du XXIe siècle, un piège pour la modernisation du pays. La catastrophe écologique annoncée en raison des émissions de gaz à effet de serre et les drames sociaux liés à l’extraction du minerai conduisent le gouvernement à miser sur une modernisation et une diversification des sources d’énergie.
Parti de Pékin, le train à grande vitesse chinois (China Railways Highspeed, CRH) file à plus de 300 kilomètres-heure pour relier Taiyuan, la capitale du Shanxi. Cette province du nord de la Chine, avec ses routes encombrées, sa circulation chaotique de camions surchargés roulant vers les grandes villes, fut longtemps la principale région productrice de charbon du pays, avant d’être détrônée par la Mongolie intérieure. Les villages se succèdent, gris et tristes. Tout, ou presque, porte l’empreinte du charbon : les paysages, bien sûr, mais aussi l’habitat, la nature, les hommes — dont les corps et les visages sont noircis par le travail dans les mines — et la couleur de l’eau. Le lavage du minerai après son extraction pollue chaque jour davantage les rivières comme les nappes phréatiques, rendant l’eau impropre à l’irrigation et à la consommation.
Malgré la modernisation en cours, l’aspect extérieur des mines n’a pratiquement pas changé depuis des siècles. (...)
Si la Chine prévoit de multiplier la construction de centrales nucléaires (2) et continue à planifier la construction de barrages, le charbon reste dominant pour la production électrique (3) et garde la préférence des directions d’entreprise, surtout localement.
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Ensuite, l’industrie du charbon emploie une main-d’œuvre importante et permet d’absorber aisément la demande de travail, toujours en hausse dans les campagnes. Enfin, la combustion d’un charbon au coût d’extraction faible est la meilleure façon de produire de l’énergie bon marché tout en dopant la croissance. (...)
Des criminels se sont spécialisés dans les assassinats de mineurs déguisés en accidents pour toucher les indemnités — en constante progression — accordées par les autorités ou les propriétaires de puits. Divers scandales ont éclaté dans les provinces du Hebei, du Yunnan et du Sichuan, où des gangs organisés, souvent de mèche avec les patrons, commettent en toute impunité des meurtres en série dans les mines elles-mêmes et dans les baraquements de fortune où ces misérables mingong (migrants intérieurs) sont entassés. En 2003, le cinéaste Li Yang avait raconté leur drame dans un long-métrage intitulé Blind Shaft, adapté du roman Le Puits, de Liu Quingbang (5).
Ce film, qui a reçu de nombreux prix à l’étranger, a été le premier à dénoncer l’essor de la criminalité dans ces souterrains obscurs où règne la loi du plus fort. (...)
Face à l’indignation croissante de la population, le pouvoir a durci le ton. Après un accident qui avait fait 35 morts dans le Guangxi en septembre 2010, le premier ministre Wen Jiabao a intimé l’ordre aux propriétaires de descendre dans les puits car, leur a-t-il indiqué, « vous avez le devoir de partager les risques avec vos employés afin de vous assurer que les règles de sécurité sont respectées ».
De façon moins spectaculaire mais sans doute plus efficace, le gouvernement veut sécuriser l’extraction du charbon par la captation du méthane, un gaz responsable de la majorité des coups de grisou meurtriers.
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La recherche de solutions technologiques pour lutter contre les nuisances de l’utilisation intensive du charbon n’est pas récente. Depuis plusieurs années, les centrales thermiques, qui fonctionnaient selon la technique très polluante de pulvérisation du charbon, ont été mises à l’index par les défenseurs de l’environnement. Pour perdre son image de pays aux milliers de cheminées crachant leurs fumées à l’odeur de soufre, la Chine a trouvé dans la maîtrise des technologies de « charbon propre » une solution apte à endiguer la pollution atmosphérique alors qu’elle est devenue le plus gros émetteur de dioxyde de carbone (CO2) du monde.
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