Ce sera l’une des plus grandes mines d’or du monde : le projet Conga, mené par l’entreprise états-unienne Newmont, dans laquelle BNP Paribas a investi via une filiale au Luxembourg. Le gigantesque projet minier risque de priver les populations locales de leurs ressources en eau. Et suscite de fortes mobilisations réprimées par les forces de l’ordre péruviennes… formées par la gendarmerie française. Un projet qui entache le mandat du président, Ollanta Humala, élu grâce à un programme de défense des paysans et du petit peuple. Reportage.
« La mine va nous faire mourir à petits feux. On aura de l’argent, mais plus d’eau. » Luciano est venu vendre ses gâteaux et son pain sur ce marché, à quelques encablures du village de Sorochuco, à 3 000 mètres d’altitude, dans la région de Cajamarca, au Pérou. Avec ses mots, il résume le sentiment général qui domine ici, au pied de la future mine, au milieu des pommes de terre en tout genre, des bananes, des cochons, chevaux, moutons et chapeaux typiques de la région. Un mode de vie ancestral est menacé, l’équilibre de toute une région.
En cause, le projet Conga, une mine d’or à ciel ouvert. Elle serait la plus grande d’Amérique Latine, voire du monde. (...)
De quoi faire le bonheur de la holding Yanacocha, la lagune noire en langue Quechua, constituée par l’entreprise péruvienne Buenaventura (43,65%), IFC, une filiale de la Banque Mondiale (5%) et surtout Newmont Mining Corporation (51,35%), une entreprise états-unienne basée à Denver, qui figure en bonne place dans le portefeuille d’actions de la BNP Paribas, à travers un fonds d’investissement basé au Luxembourg, BNP Paribas Investment Partners Luxembourg [1]. Selon les prévisions de la holding, à l’horizon 2017, 200 tonnes d’or et 180 000 tonnes de cuivre seront extraits chaque année. L’exploitation durera une vingtaine d’années. Ce que n’avait pas prévu Yanacocha, c’est que des milliers d’habitants de la région de Cajamarca, où est implantée la mine, allaient se mobiliser. Et ne rien lâcher, malgré les pressions et répressions, les manipulations, et selon certains, la corruption. (...)
Les lagunes visées par le projet minier sont désormais gardées par des policiers mis à la disposition de la mine par l’Etat péruvien et directement rémunérés par l’entreprise. D’ailleurs, la police péruvienne a reçu, en novembre 2012 une formation d’ une semaine « aux techniques de maintien de l’ordre avec respect des droits de l’homme », par des officiers de la gendarmerie française ! Lieu de la formation : Cajamarca, là où le projet Conga devrait se développer ; là où la répression policière fut très forte, en mai 2012. (...)
le Pérou voit se développer des projets miniers et pétroliers. Provoquant sur leur passage des centaines de conflits sociaux, dont 60% sont directement liés à l’environnement. Dans le secteur de l’industrie extractive, les entreprises françaises ne sont pas en reste, notamment en Amazonie, à l’image de l’entreprise pétrolière franco-britannique Perenco (Lire l’article de Basta !) présente dans la région du Loreto, à la frontière avec l’Equateur, ou Maurel et Prom, dans l’Amazonie du nord du Pérou (article à venir).
Les conséquences de l’ensemble de ces industries extractives pourraient être désastreuses. Le Pérou serait déjà le troisième pays le plus vulnérable au monde en matière de dérèglements climatiques. A Cajamarca, l’or que les Espagnols demandèrent en échange de la liberté de l’empereur Inca Atahualpa, en 1532 [3], n’a pas fini de provoquer le malheur des Cajamarquinos. La malédiction des matières premières.