
Les hôpitaux publics français sont au moins aussi malades que les personnes qui y sont soignées, à cause d’un démantèlement systématique et systémique instauré par les gouvernements successifs depuis Nicolas Sarkozy, au nom du Dieu néolibéral ! J’ai 65 ans d’expérience hospitalière en tant que patient, dans tous les sens du terme (car il faut être de plus en plus patient pour ne pas craquer à l’hôpital). Pour autant, en vouloir au personnel hospitalier, ce serait se tromper gravement de cible.
J’ai commencé très tôt à fréquenter ce milieu que j’ai vu évoluer, se moderniser, devenir une fierté de la France, à juste titre, avant d’être dégradé à vitesse grand V, à partir du XXIe siècle.
Fermeture des hôpitaux et des services jugés non rentables, réductions incessantes du nombre de lits et des effectifs, salaires indignes, réductions des prises en charge, surcharge de travail, etc.
Résultat : pour le personnel soignant, conditions de travail surréalistes, irresponsables, dangereuses et destructrices des qualités de service, des soins et de l’accueil. Quant aux malades, ils subissent les conséquences d’une médecine déshumanisée, éprouvante, discriminante et impuissante à proposer mieux. Ils sont les victimes collatérales, avec le personnel soignant du public, de cette destruction aveugle, programmée par des politiciens et des hauts-fonctionnaires indifférents aux effets néfastes d’une politique néolibérale nauséabonde.
Qui peut encore s’imaginer que dans les années 1970, j’ai « vécu » plus de cinq ans dans un service de réanimation car il n’y avait alors pas de maison d’accueil spécialisé en capacité de me recevoir, et que l’on a respecté ma volonté de ne pas être hospitalisé chez mes parents ? Personne. C’est une époque révolue depuis longtemps. C’est aussi à cette époque que les progrès technologiques ont révolutionné, en bien, la médecine et la façon de soigner. Sans tous ces progrès, à l’instar d’un grand nombre de concitoyens, je ne serais plus en vie.
J’ai connu un hôpital humain, à taille humaine, sécurisant et « confortable », où les infirmières avaient le temps, les médecins étaient compétents et les malades étaient, en général, pris en compte ; en tout cas, davantage qu’aujourd’hui. (...)
J’ai été témoin du changement de cap, de politique, et de ses effets néfastes.
Désormais, vous avez beau avoir une pathologie grave et être suivi par un service hospitalier, en cas de problème de santé, vous devez obligatoirement passer par les urgences, autant dire par l’enfer, où vous n’êtes pas connu et où les médecins maîtrisent rarement votre pathologie, voire pas du tout. D’un coup, vous devenez un malade comme un autre, qui est soumis aux mêmes protocoles que les autres, dans des conditions kafkaïennes, un inconfort total, des diagnostics plus ou moins spécialisés et un pronostic aléatoire. Au final, même si rien n’a été résolu du problème qui vous a conduit aux urgences, en désespoir de cause, si l’on considère que vous n’êtes pas plus urgent que ça, vous êtes prié de rentrer chez vous… après des heures d’attente entre chaque examen, complètement épuisé de ne pas avoir dormi de la nuit et stressé par les conditions éprouvantes subies. De surcroît, en travaillant 12 h d’affilée dans un service de pointe, vers la fin du poste, les capacités de concentration et de réactivité d’un grand nombre de soignants sont émoussées, entraînant des erreurs et des oublis, au détriment des malades, bien sûr.
Le passage par les urgences est un chemin de croix kafkaïen et hallucinant. (...)
Le but ultime et non avoué serait-il de se débarrasser à terme des hôpitaux publics au profit du privé ?
Comment susciter des vocations actuellement ? Comment rassurer les potentiels patients ? Surtout quand on sait que Macron, comme tout le gratin français, n’aura jamais à passer par les urgences, s’il a un jour un problème grave, lui et les autres nantis seront directement emmenés dans le service idoine, et ils bénéficieront de tous les passe-droits voulus ! (...)
Facile donc de faire subir aux peuples et aux professionnels, ce que tous ces gens ne connaîtront jamais. Vous avez dit égalité des droits et des chances ?
En attendant, le Covid-19 est venu remettre les pendules à l’heure. D’un coup d’un seul, Emmanuel Macron semble se réveiller à la réalité ! Désormais, il est décidé à injecter tout l’argent qu’il faut pour sortir de cette crise sanitaire… d’autant qu’elle provoque un krach boursier, mettant à mal son cher néolibéralisme. Il faut que l’économie mondiale soit en danger pour prendre conscience de la situation médicale et sociale désastreuse. (...)
Et dire que ce sont des médecins qui conduisent et avalisent la politique de la santé depuis 2017, Olivier Véran après Agnès Buzyn… C’est fou comme on est capable de vendre son âme pour savourer l’ivresse du pouvoir ! Non ?