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AURDIP (Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine)
Israël : Le boycott universitaire : succès américain contre censure française
Michael Harris est Professeur à l’Université Paris-Diderot et Secrétaire de l’AURDIP.
Article mis en ligne le 22 février 2015
dernière modification le 18 février 2015

Les assassinats du mois dernier à Charlie Hebdo ont révélé un paradoxe dans les attitudes des Français concernant la liberté d’expression. D’un côté, les déclarations publiques françaises affichent un attachement rhétorique à une liberté sans limite de la parole comme l’un des fondements de la République ; de l’autre, il est toujours impossible ne serait-ce que de débattre des valeurs du boycott universitaire d’Israël sur pratiquement n’importe quel campus universitaire français. La liberté de parole est plus profondément enracinée aux États-Unis, surtout peut-être dans les universités. Certes il y est encore possible de sanctionner un universitaire qui exprime des choses que certains membres influents de la communauté universitaire ne veulent pas entendre, comme l’a démontré le retrait de Steven Salaita de son poste l’année dernière, à l’université de l’Illinois. Sauf qu’il n’est pas possible d’imposer une telle punition motivée par le contenu du discours – pour une institution d’État comme l’université de l’Illinois, ce serait probablement inconstitutionnel. Salaita a plutôt été sanctionné pour s’être montré injurieux et par conséquent non professionnel.

Quand plusieurs responsables de l’État de New York ont menacé en 2013 de retirer son financement au Brooklyn College pour avoir organisé un débat avec Omar Barghouti et Judith Butler, partisans du BDS, ils ont aussitôt été condamnés par le président de l’université et désavoués par le maire d’alors Michael Bloomberg et le gouverneur Andrew Cuomo, tous deux officiellement connus pour leur hostilité au BDS, et ce au nom de la liberté de parole. (...)

Soutenu par cette tradition de la libre expression, le mouvement BDS continue de prendre de l’ampleur sur les campus américains, à la grande consternation de ses opposants. (...)

contrairement à la situation en France, aux États-Unis le boycott universitaire est considéré comme une option légitime. Ses adversaires sur les campus tentent de discréditer le BDS à travers un débat (plus ou moins bien) argumenté, et non pas en utilisant des mesures administratives, comme en France, pour rendre ce débat impossible. (...)

Il y a maintenant des initiatives en faveur du boycott et du désinvestissement sur les grands campus, à travers tout le pays, et dans un nombre grandissant d’associations professionnelles – trop nombreuses pour les nommer ici. Et bien sûr, on voit aussi des mouvements d’opposition qui se développent (...)

Comment peut-on expliquer que le BDS enregistre dans les universités US des avancées qui sont inconcevables en France, alors que 100 % des sénateurs US et une majorité écrasante de membres de la Chambre des Représentants ont voté l’été dernier un soutien à la guerre “Bordure protectrice” contre Gaza ?
(...)

L’analyse du contexte de la réaction populaire aux attentats au siège de Charlie Hebdo peut fournir des indices quant à la géométrie variable de la liberté de parole en France. (...)

En dépit de ces faiblesses, il ne fait aucun doute que la prise de conscience par l’opinion française du malheur des Palestiniens a précédé de bien des décennies sa perception aux États-Unis, laquelle n’a pris racine qu’au cours de ces dernières années. On peut espérer que les assassinats au siège de Charlie Hebdo serviront à rappeler la nécessité de défendre la liberté d’expression, même – et surtout – quand il s’agit de dire ce que les puissants ne veulent pas entendre.