Le collectif Toxic Tour s’est lancé un défi : parler de changement climatique au cœur des quartiers populaires. Dans la cité Joliot-Curie à Saint-Denis, en bordure d’autoroute, il a organisé un projet photo avec les enfants sur le thème de la pollution et invité le militant américain Kali Akuno à parler de justice climatique. Objectif : transmettre aux plus vulnérables la volonté d’agir.
Coincé entre parkings et tours en béton, le jardin partagé a un petit air d’oasis. Ce mercredi 10 juin, il s’anime de bruits d’éclaboussures et de rires d’enfants. Équipées d’un rouleau, Adja, 10 ans, Hacheley, 5 ans, et Rosalyn, 10 ans, étalent avec application du vernis sur les bacs, sous l’œil attentif de Rachid, éducateur au réseau Canal. « Comme ça, quand il sera sec, on pourra remettre de la bombe. Si on met pas de vernis, ça va faire moche parce que la couleur va se mélanger avec l’ancienne », explique Mariam, 7 ans, en frottant énergiquement la surface en bois à l’aide d’un vieux chiffon.
A côté, Juliette, animatrice à l’Association Solidarité Amitié Français Immigrés (Asafi), montre aux plus jeunes comment arroser les fraisiers. Pour Mounir, 10 ans, c’est un moment privilégié : « C’est beau, il y a la nature. J’aime bien cet endroit parce que c’est calme. En plus, on a le droit de prendre des choses. Avant, je prenais de la menthe, des tomates... » (...)
Le plus gros problème dans leur quartier, ce sont les déchets, estime Tyron, 11 ans. « C’est sale, ça ne fait pas une bonne image de notre cité, déplore-t-il. Ceux qui vont chez leur tante pendant les vacances ne veulent plus revenir. Pour moi, il faut appliquer une règle : mettre les déchets dans les poubelles. »
Omaima, 8 ans, parle tout de même de pollution. « C’est à cause des déchets, après si tu cours, tes poumons peuvent s’arrêter, hasarde-t-elle. Il y a aussi l’odeur des trucs. Par exemple, on ouvre la fenêtre, il y a une odeur de pizza, de quiches, de saucisses, de merguez, ça se mélange et ça devient de la pollution. » Sosso, 8 ans, elle, fait le lien avec les voitures et les motos que les jeunes pilotent à toute allure au pied des tours. (...)
Trois jours plus tard, c’est fête de quartier à « Joliot ». Laurence Marty, étudiante en sociologie et membre du collectif Toxic Tour, affiche sur le grillage du terrain de foot les photos prises par les petits, ainsi que des clichés datant de la construction de l’autoroute. Elle patiente, guette, mais les curieux sont bien rares. La plupart des habitants sont rassemblés devant la scène, accaparés par le spectacle des petits puis par un jeu permettant de gagner de petits objets électroménagers à condition d’en deviner le prix. « Comment sensibiliser les gens au changement climatique, au-delà du cercle des convaincus ?, s’interroge l’étudiante, songeuse. Quand on a organisé le premier Toxic Tour sur l’autoroute A1, dans le quartier Lamaze en octobre dernier, il n’y avait quasiment pas d’habitants des cités. C’est pour ça qu’on a décidé de venir à leur rencontre, au cœur du quartier Joliot-Curie. » (...)
Chaque jour, 200 000 véhicules doublent en hurlant cet ensemble d’immeubles, bâti à la fin des années 1960. Les mesures d’Air Parif l’attestent : les concentrations atmosphériques d’ozone et de particules fines, extrêmement nocifs pour le système respiratoire, y explosent les records. Sans parler du dioxyde d’azote, un puissant gaz à effet de serre. Les normes européennes de qualité de l’air y sont dépassées les trois-quarts de l’année. Un véritable scandale sanitaire et un exemple flagrant d’injustice sociale, contre lesquels le collectif Toxic Tour entend mobiliser les habitants du quartier. (...)