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En Polynésie, une mine de phosphate ravive le traumatisme de Makatea
#mines #polynesiefrançaise
Article mis en ligne le 19 avril 2023

Au cours du XXᵉ siècle, l’exploitation du phosphate a défiguré une grande partie de cet atoll de Polynésie française. Aujourd’hui, une société envisage de relancer l’extraction minière sur l’île, ce qui inquiète les habitants.

Makatea n’est plus l’île qu’elle était il y a deux millions d’années. Dans l’archipel polynésien des Tuamotu, cette couronne de corail encerclant un lagon turquoise est désormais entourée de falaises abruptes, atteignant parfois 75 mètres de hauteur. Un changement dû à l’apparition de Tahiti et Moorea trois siècles auparavant, l’affaissement des fonds marins entraînant la surélévation de Makatea. (...)

Cette spécificité géologique fait d’elle une terre très convoitée par l’industrie minière du phosphate. Pendant la première moitié du XXᵉ siècle, la Compagnie française des phosphates d’Océanie (CFPO) en a extrait et exporté environ 11 millions de tonnes sous forme de sable.

Arrêtées en 1966, ces extractions, à l’époque synonymes de prospérité économique pour l’île mais aussi d’un désastre environnemental, pourraient être bientôt relancées par la société Avenir Makatea. (...)

Pour vanter son projet, l’entreprise préfère le terme de « réhabilitation » à exploitation minière (...)

L’exploitation devrait s’étendre sur vingt-cinq à trente ans. Une partie du phosphate sera ensuite broyé et séché sur place. Le reste sera exporté sans transformation. Selon l’entreprise, des clients internationaux seraient déjà intéressés. (...)

Mais l’avenir du redémarrage de cette industrie dans l’île haute est pour le moment suspendu à l’adoption du Code des mines qui doit encore être complété par des dispositions fiscales et environnementales. Avenir Makatea compte ainsi sur les prochaines élections du parlement polynésien au mois d’avril pour débloquer la situation.

Une île fantôme

À Makatea, la nouvelle est reçue en demi-teinte. Sur l’île, rien ne laisse présumer que 3 000 personnes y vivaient lors des années prospère du phosphate. Ni que le commerce et la vie y étaient florissants : deux cinémas, un stade de football, un autre de basket, de nombreux commerces… Un véritable petit Far West flottant.

L’arrêt de la mine a laissé 900 hectares de terres défigurées et des habitants désœuvrés. Dans le corail, on trouve désormais des milliers de cavités calcaires exposées à l’air libre. Tandis que sur les plages et dans les terres, des vestiges sont encore visibles (...)

Aussi, du jour au lendemain, Makatea est passée de 3 000 à 30 habitants. À l’heure actuelle, peu sont ceux qui occupent un emploi stable. (...)

« Notre île a assez souffert comme ça, qu’on la laisse tranquille ! » (...)

dans le village de Moumu, Louela Vairaaroa, 81 ans, conserve de bons souvenirs de la période faste où la CFPO exploitait l’île. « On vivait bien, on avait des hôpitaux, la poste… beaucoup de services », raconte celle qui a travaillé comme secrétaire dans l’administration de l’entreprise.

Néanmoins, le traumatisme du départ de la CFPO est encore présent. « J’ai quitté Makatea de longues années avant d’y revenir pour la retraite. Ce fut un choc quand je suis rentrée, je ne m’attendais pas à ça », s’exclame-t-elle en pointant du doigt l’un des milliers de trous qui parsèment l’île (...)