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Basta !
Emmanuel Macron se révélera-t-il aussi médiocre que François Hollande sur l’écologie ?
Maxime Combes, économiste et auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, Anthropocène), membre de l’association Alter-médias, éditrice de Basta !
Article mis en ligne le 16 mai 2017
dernière modification le 15 mai 2017

« Faire de la France la nation de l’excellence environnementale », telle était l’ambition de François Hollande en 2012. Cinq ans plus tard, 45 000 personnes meurent prématurément chaque année de la pollution de l’air. La France reste l’un des champions du monde de la consommation de pesticides. La rénovation énergétique des bâtiments demeure réservée aux riches. Aucun calendrier clair n’existe pour réduire la part du nucléaire dans la production électrique. Les grands projet polluants et controversés se poursuivent. Et si la COP21 est dans les mémoires, c’est bien la mort de Rémi Fraisse qui restera comme une marque indélébile dans le bilan environnemental de ce quinquennat. Un bilan médiocre qui ne semble pas émouvoir le nouveau Président, Emmanuel Macron, dont les ambitions en matière d’écologie semblent très limitées.

Les très récentes déclarations, non démenties à cette heure, du directeur financier d’EDF affirmant qu’Emmanuel Macron veut reporter « à un horizon plus lointain » les objectifs de la loi transition énergétique ne sont guère rassurantes sur la volonté du nouvel exécutif de rattraper le retard pris. L’engagement de la loi consistant à ramener la part du nucléaire à 50 % du mix électrique français en 2025, contre 75 % aujourd’hui, pourrait ainsi être repoussé aux calendes grecques [2]. Annoncée pour 2016, la fermeture de Fessenheim est désormais annoncée pour 2018, et Emmanuel Macron la conditionne à la toujours hypothétique entrée en service de l’EPR de Flamanville. Pas de quoi satisfaire les objectifs fixés par la loi de transition énergétique : selon l’organisation non gouvernementale Greenpeace, il faudrait fermer 21 à 23 réacteurs d’ici à 2023 pour ramener la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité. Il n’existe toujours pas de calendrier clair précisant les investissements et ouvrant des perspectives aux salariés et bassins d’emploi concernés pour y parvenir.

Pollution de l’air : 45 000 décès par an

La fiscalité des carburants routiers, nettement favorable au diesel, aggrave la pollution de l’air qui cause chaque année plus de 45 000 décès prématurés en France. (...) Emmanuel Macron se limite à reprendre les engagements du dernier gouvernement Hollande, sans que cela ne fixe de perspectives claires de sortie du diesel et, plus important, sans que cela ne trace les contours d’une mobilité propre pour tous.

La France reste championne des pesticides

Autre point noir : l’usage intensif des pesticides, qui fait de la France l’un des plus gros consommateurs du monde. (...) Stéphane Le Foll, actuel ministre de l’agriculture, s’est contenté de reprendre les mêmes objectifs et de les repousser à 2025. Objectif qui semble convenir à Emmanuel Macron puisqu’il n’en fixe pas de plus ambitieux. Si l’interdiction d’utilisation des pesticides par les collectivités vaut depuis le 1er janvier 2017, les lois d’avenir agricole et de biodiversité n’ont pas été outillées dans la perspective d’atteindre les objectifs fixés par le plan Ecophyto. En témoigne la loi biodiversité qui, en raison de nombreuses dérogations, repousse à 2020 l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes initialement prévue pour 2018. (...)

Il faut ajouter à ce tableau contrasté la faible application du principe pollueur-payeur et les soutiens publics « dommageables » tels que les aides au foncier contribuant à l’étalement urbain, les aides à l’agriculture ou à la pêche intensive ainsi que la « sous-tarification de la pollution des eaux ».

Des renoncements coupables

Un épisode est révélateur des renoncements socialistes en matière d’écologie : l’abandon de l’écotaxe par Ségolène Royal suite à la mobilisation des « bonnets rouges ». (...) Au nom du refus d’une écologie dite « punitive », Ségolène Royal et François Hollande ont renoncé au produit d’une taxe qui devait financer des projets planifiés de transport collectif (tramways...) dont les villes françaises ont besoin pour inventer de nouvelles formes de mobilité plus soutenables.

Le gouvernement a préféré introduire une tarification carbone (proportionnelle à leurs émissions de CO2) qui augmente la fiscalité des énergies fossiles (carburant, gaz, fioul…) utilisées pour se déplacer et se chauffer. De 7 euros la tonne de CO2 en 2014, elle est passée à 22 euros en 2016 et devrait atteindre 100 euros en 2030. Emmanuel Macron se contente de reprendre cet objectif, sans le préciser ou le rendre plus ambitieux. Si l’impact est plus fort en moyenne sur les ménages les plus aisés que sur les plus pauvres, ceux qui doivent se chauffer au fioul et se déplacer en voiture seront les plus touchés.

La rénovation énergétique réservée aux riches (...) les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique sont le plus souvent dévolus à ceux qui ont les moyens d’investir dans leurs logements (isolation, fenêtres, etc). Le gouvernement semble préférer satisfaire les entreprises qui construisent des autoroutes, ou les gèrent en concession, qu’investir dans la rénovation et le redéploiement d’un service ferroviaire de proximité et de qualité. Une orientation que ne dément pas le programme d’Emmanuel Macron (...) Accord de Paris sur le climat vs accords économiques anti-climat

L’exécutif français ne peut être tenu responsable de toutes les limites de l’Accord de Paris, qui entérine un réchauffement climatique supérieur à 3°C, sans se doter des dispositifs pour revenir sur une trajectoire inférieure à 1,5 °C ou même 2°C (voir notre article). Il est néanmoins possible de reprocher au gouvernement socialiste d’avoir toujours privilégié la nécessité d’obtenir un accord, quel qu’en soit le prix, et ensuite une ratification rapide, plutôt que d’avoir mené bataille pour relever l’ambition des négociations ou celle de la position de l’Union européenne. En février 2016, Ségolène Royal a d’ailleurs entériné la proposition de la Commission européenne qui consiste à refuser de donner plus d’ambition aux insuffisants objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de l’UE.

Tout au long du processus de négociation de l’Accord de Paris, le gouvernement français a appuyé la Commission européenne dans la négociation d’accords de libre-échange au sein de l’OMC, avec les États-Unis, le Canada et un très grand nombre d’autres pays. (...)

La mort de Rémi Fraisse, une marque indélébile

En plein processus de signature et de ratification de l’Accord de Paris, le gouvernement de François Hollande validait la construction d’une deuxième autoroute (payante) parallèle à l’autoroute existante (gratuite) entre les faubourgs de Lyon et ceux de Saint-Étienne qui doit générer, selon les études préalables à la déclaration d’utilité publique, une augmentation de plus de 80 % des émissions liées au transport sur le secteur [5]. Les soutiens locaux d’Emmanuel Macron sont de fervents partisans de cette autoroute inutile.

À souligner également : l’entêtement à propos de la construction de l’aéroport de Notre-Dame des Landes. (...)

Quitte à ce qu’il y ait des morts, comme ce fut le cas le soir du 26 octobre 2014, à Sivens, (Tarn) où le militant écologiste Rémi Fraisse a été tué par les forces de l’ordre sur les lieux d’une mobilisation citoyenne contre un projet de barrage contesté, et depuis stoppé. La mort de Rémi, plus de trente ans après celle de Vital Michalon à Creys-Malville, restera comme une marque indélébile dans le bilan du quinquennat de François Hollande et de Manuel Valls, illustrant le peu de considération donnée, une fois les caméras de télévision rangées, à la crise écologique. Une crise écologique qu’Emmanuel Macron aura soigneusement évité d’affronter lors de chacun des grands débats télévisés de cette présidentielle.