
Tenir les migrants à l’écart de la société en les maintenant dans des camps ou des centres d’accueil les empêche de tisser des liens sociaux. Des chercheurs allemands se sont penchés sur cette forme de marginalisation.
Pour Mahmoud*, qui a dû abandonner sa famille et ses amis en Syrie, les premiers mois en Allemagne ont rimé avec dépression, solitude et manque d’orientation.
En arrivant, il ne connaissait qu’une autre personne dans son centre d’accueil.
Les choses finiront par évoluer lorsque Mahmoud, la vingtaine, commence à faire du sport et s’est investi dans un club. Après deux années passées en Allemagne, le Syrien a trouvé un emploi, une petite-amie et un groupe d’amis.
Si les défis qui se dressent devant un demandeur d’asile sont nombreux, se faire des amis en fait partie.
Selon des chercheurs en sociologie à l’Institut allemand de recherche sur l’emploi et le marché du travail (IAB), l’ensemble des 42 migrants interrogés pour l’étude "Networks for Integration" - dont Mahmoud - ont affirmé un besoin très fort de se faire des amis en Allemagne. Et presque tous ont assuré que cela se révélait être extrêmement difficile. (...)
Cela va à l’encontre de cette idée selon laquelle une subculture ethnique se développerait, avec des gens qui ne veulent pas créer de nouveaux liens", explique le chercheur.
La barrière de la langue
Pour Mahmoud, la barrière de la langue et le faible niveau d’allemand constituent la principale raison de sa difficulté à se faire des amis, affirme Stefan Bernhard.
Apprendre l’allemand devient encore plus compliqué pour les migrants plus âgés se retrouvant exclus parce qu’on ne leur permet pas de suivre des cours ou de trouver un travail.
Par ailleurs, beaucoup de personnes dont la demande d’asile est acceptée n’ont pas le niveau d’allemand nécessaire pour suivre un apprentissage ou aller à l’université.
"Ils sont exposés au danger d’être pris au piège dans un marché du travail peu qualifié et à faible revenu."
Ségrégation de l’hébergement (...)
"La plupart des demandeurs d’asile vivent dans des hébergements avec d’autres réfugiés. C’est dur de rencontrer des locaux et d’apprendre à les connaître dans un processus de relation amicale normal, basé sur des points communs. Il est évident que plus le centre pour réfugiés est grand et éloigné des centres urbains, plus il est difficile de rencontrer des personnes de la communauté locale"
Cette ségrégation de l’hébergement est quelque chose que les réfugiés ressentent. Ils réalisent qu’ils sont exclus de la société, et ce n’est pas pour les aider. Déjà, cela ne les aide certainement pas à apprendre la langue."
En 2015, sont nés de nombreux projets visant à créer des liens entre les réfugiés et la société allemande avec le soutien de la population et des pouvoirs publics. (...)
Malgré ces programmes, beaucoup de demandeurs d’asile continueront toutefois à passer à côté des interactions de tous les jours avec locaux, explique Stefan Bernhard. "Normalement, vous vous faites des amis à l’école, à l’université ou au travail où l’on rencontre des gens ’par accident’, et cela est très rare pour les réfugiés."
Exister et coexister
Avoir des liens forts avec la communauté qui parle la même langue que vous dans un pays d’accueil n’empêche pas de créer des liens avec des locaux et de s’intégrer dans la culture mainstream.
"Nous avons observé que les deux sont possibles. (...)