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Contre la "dématérialisation" des préfectures : nouvelle défaite des associations au tribunal de Montpellier
#dematerialisation #servicespublics #migrants
Article mis en ligne le 24 mars 2023
dernière modification le 23 mars 2023

Il y a deux ans, un collectif d’associations avait attaqué la préfecture de l’Hérault, dans le sud de la France, pour l’empêcher d’imposer une dématérialisation des démarches administratives. Celle-ci pénalise grandement les étrangers qui essaient de renouveler leurs titres de séjour en passant par internet. La requête des associations a été rejetée le 7 mars pour tardiveté.

Contactée par InfoMigrants, l’avocate du collectif, maître Céline Coupard, annonce qu’elle compte faire appel. "Cette décision du tribunal de Montpellier est dommage", explique-t-elle. "La rapporteure publique avait pourtant conclu qu’il fallait prévoir des modalités alternatives de prise de rendez-vous".

Le 31 mars 2021, la Cimade, le Gisti, le Syndicat des avocats de France (SAF), la Ligue des droits de l’Homme et l’association des Avocats pour la défense des droits des étrangers, avaient déposé cette requête au tribunal administratif de Montpellier pour empêcher la préfecture de l’Hérault "d’imposer l’utilisation d’un téléservice, d’une part, pour prendre rendez-vous en vue du dépôt d’un dossier de titre de séjour et, d’autre part, pour déposer un dossier de document de circulation pour étranger mineur".
Le casse-tête de la prise de rendez-vous en ligne

Mais le tribunal a considéré que les délais de recours contentieux, qui doivent toujours être de deux mois, étaient dépassés. Un autre recours déposé contre la sous-préfecture de Béziers sur le même sujet a également été rejeté. (...)

Depuis les dématérialisations, le quotidien des demandeurs d’asile et des travailleurs immigrés est devenu un véritable casse-tête. Beaucoup se sont retrouvés dans la clandestinité malgré eux, après avoir échoué à renouveler leur titre de séjour dans le temps imparti. Certains n’ont en effet pas accès à Internet ou ne maitrisent pas les outils numériques. D’autres, en raison de la saturation des sites des préfectures, passent des jours et des nuits à essayer de trouver un créneau pour un rendez-vous, en vain. (...)

Bataille juridique avec le Conseil d’État

À Montpellier, le tribunal ne s’est pas prononcé sur le fond du dossier concernant la dématérialisation des procédures administratives. Celle-ci est pourtant devenue la norme avec la création de l’Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF), un téléservice mis en place en 2020 et qui regroupe toutes les démarches liées au droit au séjour. (...)

La bataille judiciaire de Montpellier s’inscrit dans une vaste offensive judicaire menée par les associations. Les préfectures du Rhône, d’Ille-et-Vilaine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ont aussi été ciblées. Une première défaite a été enregistrée au tribunal administratif de Nancy, en revanche le recours déposé à Lyon a abouti le 23 décembre dernier.

Le 3 juin 2022, le Conseil d’État avait validé le décret pouvant rendre obligatoire le recours à l’ANEF par les préfectures, tout en obligeant le ministère de l’Intérieur à proposer une "solution de substitution" pour les personnes concernées. "Une telle obligation ne peut être imposée que si l’accès normal des usagers au service public et l’exercice effectif de leurs droits sont garantis", avait argué la juridiction dans sa décision.
Manque d’alternatives

D’après le Conseil d’État, les préfectures doivent prévoir des solutions alternatives pour les personnes ne disposant pas de matériel informatique, comme des points d’accès numériques (PAN) en préfecture et la présence de fonctionnaires pour accompagner ces démarches.

Or, "ceux-ci ne peuvent pas vraiment être considérés comme des modalités efficaces puisqu’il faut prendre rendez-vous sur internet pour y accéder, c’est un peu le serpent qui se mord la queue", estime Me Coupard. Par ailleurs, les plannings pour accéder à ces guichets sont souvent saturés de demandes. (...)